Les parents de la Canadienne accusée d'avoir comploté pour faire entrer Saadi Kadhafi au Mexique affirment qu'Ottawa a complètement abandonné leur fille à son sort. «Personne ne bouge, alors que notre fille est innocente et les accusations sont délirantes!», ont-ils clamé lors d'un entretien à La Presse. Cynthia Vanier croupit en prison depuis trois mois au Mexique.

«C'est un paquet de mensonges!», ne cesse de marteler John MacDonald lors de l'entrevue téléphonique. Il est révolté par les accusations portées contre sa fille par la justice mexicaine: falsification de documents, trafic d'êtres humains et délinquance organisée. Les autorités mexicaines présentent cette médiatrice de l'Ontario, spécialisée dans la résolution de conflits, comme le cerveau d'un plan prévoyant la fuite de Saadi Kadhafi au Mexique. Le complot aurait été déjoué par les services secrets mexicains grâce à un courriel anonyme.

John et Betty MacDonald se trouvent actuellement au Mexique et ils y resteront durant les prochains mois, «jusqu'à ce que la situation s'éclaircisse». Depuis que leur fille a été formellement inculpée par le parquet général de la république, le 27 janvier dernier, et transférée dans une prison à Chetumal, à la frontière avec le Bélize, ils n'ont pu lui rendre visite et sont inquiets, car elle souffre de problèmes de tension.

Joint par La Presse, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Ottawa a informé que Cynthia Vanier bénéficiait d'une assistance consulaire, qu'on suivait son état de santé, mais qu'elle faisait face à des accusations très graves.

«C'est toujours la même litanie. Nous ne pouvons pas compter sur notre gouvernement»,déplorent les MacDonald. «Nous nous sentons complètement abandonnés. Nos autorités se contentent de répéter qu'elles ne peuvent interférer dans les affaires d'un autre pays. Or, Cindy a subi de mauvais traitements et les Mexicains ont tardé plusieurs jours à informer l'ambassade canadienne de son arrestation. Le Canada pourrait protester pour cela», s'indigne le couple de personnes âgées.

L'avocat mexicain de Mme Vanier, Luis Ramírez, confirme que ses droits consulaires ont été allègrement bafoués: le consulat du Canada a été informé le 14 novembre, quatre jours après l'arrestation de la ressortissante. Quatre jours trop tard selon les conventions internationales et la loi mexicaine. «Nous sommes au courant du délai. La préoccupation a été transmise par les canaux appropriés», commente succinctement le porte-parole d'Ottawa.

Accablé par l'enfer que traverse sa fille, MacDonald affirme que les autorités mexicaines n'ont aucune preuve contre elle: «Seulement ce courriel anonyme. Ça ne tient pas la route. Tous leurs arguments peuvent être réfutés.»

Il cite notamment le cas de cette maison qu'elle était en train d'acheter à Bahía Banderas, non loin de Puerto Vallarta, sur la côte Pacifique: l'enquête aurait déterminé que c'était le domicile acquis par Vanier pour cacher le fils de l'ex-dictateur libyen et sa famille. «En réalité, c'est la maison où son mari et elle comptaient passer leur retraite!», s'exclame le père de la prisonnière.

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La version des parents

Dans l'hypothèse où elle serait innocente, comment les parents de Cynthia Vanier expliquent-ils qu'elle se retrouve mêlée à cette affaire? «Notre fille est allée en Libye, elle ne l'a jamais nié. Elle a rempli une mission d'enquête pour SNC-Lavalin. Là-bas, elle a travaillé avec Gary Peters, un garde de sécurité privé qui connaît bien les Kadhafi. Lui a reconnu avoir ébauché un plan pour organiser la fuite du fils, Saadi, au Mexique et il l'a finalement aidé à se réfugier au Niger. Mais Cindy n'a rien à voir avec toute cette histoire, il l'a lui-même admis au début. Dans son rapport pour Lavalin, elle affirme que des atrocités sont commises en Libye dans les deux camps, tant chez les forces officielles que rebelles. Cela n'a pas plu au gouvernement canadien. Peters vit aujourd'hui librement au Canada. Les Mexicains ont sauté sur ce cas pour se faire de la publicité à l'échelle internationale.»