Le fait de ne pas divulguer sa séropositivité à un partenaire sexuel est-il un acte criminel? Et si oui, dans quels cas? Ce sont des questions auxquelles devront répondre les neuf juges de la Cour suprême du Canada, qui ont entendu hier deux causes sur le sujet, dont une du Québec.

Dans R. contre D.C., la Cour supérieure de la province a reconnu une femme coupable d'agression sexuelle et de voies de faits graves pour avoir omis de dire à son partenaire qu'elle était séropositive, avant d'avoir une relation sexuelle non protégée, en 2000, dans la région de Montréal.

La Cour d'appel a infirmé le jugement, au motif que la charge virale n'était pas suffisante pour présenter un «risque important de préjudice grave». L'accusée, qui ne peut être identifiée que par les lettres D.C., était porteuse du VIH, mais ses traitements avaient relégué le virus au statut d'«indétectable». Selon la preuve soumise en première instance, une telle charge virale chez une femme engendre des risques de transmission de 1 sur 50 000.

En rendant sa décision, le juge Jacques Chamberland a expressément recommandé à la Cour suprême de revoir ses critères en la matière, élaborés en 1998 dans l'arrêt Cuerrier. «Le test a été conçu à une époque où la lutte contre le VIH ne faisait que commencer», a-t-il fait valoir, reprenant les termes d'une collègue d'une autre cour.

Appel à plus de fermeté

Le procureur général du Québec, qui conteste la décision de la Cour d'appel, prône un retour à une position ferme des tribunaux sur cette question. «Lors d'une relation sexuelle avec un partenaire diagnostiqué séropositif, il ne peut y avoir de consentement véritable que si ce dernier informe son partenaire de la situation à risque auquel il s'expose», ont fait valoir les avocats du gouvernement dans leur mémoire.

«La charge virale ayant des facultés de mutations permanentes, un contrôle de charge virale qui indiquerait un bas niveau ne peut être un rempart à la transmission de la maladie», ont-ils ajouté.

Les procureurs de D.C. plaident au contraire en faveur d'un réalignement du droit canadien avec celui d'autres pays, comme l'Angleterre, qui «ne criminalisent que la transmission du virus et non pas la simple exposition».

À défaut, ils prônent l'adoption d'un seuil qui exclurait de son application «les pratiques sexuelles qui ne causent pas de risques significatifs pour la santé du partenaire, soit à cause d'une virémie trop basse ou de pratiques sexuelles responsables ou à faible risque».

Plusieurs groupes, comme le Réseau juridique canadien VIH/Sida, sont intervenus dans la cause. Une décision est attendue d'ici environ un an.