L'expulsion de Léon Mugesera a coûté plus de 180 000$ au Canada, a-t-on appris hier grâce à une information obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le présumé penseur du génocide rwandais a été renvoyé vers son pays d'origine le 23 janvier. Plutôt que d'emprunter un vol commercial, trois «employés accompagnateurs» canadiens ont accompagné M. Mugesera à Kigali à bord d'un avion nolisé.

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), chargée de la mise à exécution des mesures de renvoi, a facturé 162 000$ pour les frais d'avion pour l'aller-retour Montréal-Kigali, et 19 700$ pour ceux liés aux trois fonctionnaires qui ont participé au voyage, selon le document envoyé à La Presse.

Léon Mugesera a été inculpé au Rwanda pour planification du génocide de 1994, incitation à prendre part au génocide et distribution d'armes, la semaine dernière. Il doit comparaître en cour le 2 avril.

Mais pour l'instant, l'ancien résidant de Québec n'a pu se doter que d'un avocat «provisoire» au Rwanda, selon son avocat canadien, Me Guy Bertrand, qui le représente bénévolement depuis plus de 15 ans.

Selon lui, Léon Mugesera n'a pas les ressources financières pour s'offrir un avocat à long terme. «Il n'y a pas d'aide juridique au Rwanda et nous sommes placés devant un vrai dilemme», dit Me Bertrand, qui envisage d'organiser éventuellement des collectes de fonds au profit de son client ou de solliciter l'aide d'Avocats sans frontières.

Au Canada depuis 1993

Pendant 16 ans, Léon Mugesera a tenté d'éviter l'expulsion vers le Rwanda.

Reçu comme réfugié avec sa femme et leurs cinq enfants au Canada en 1993, Léon Mugesera a été interdit de territoire trois ans plus tard. La cause: un discours prononcé en 1992 au Rwanda, qualifié d'incitation à la haine et au génocide par le Canada. Le Rwandais a toujours nié avoir tenu un rôle dans le génocide.

Le bras de fer avec les autorités canadiennes s'est poursuivi devant la Cour suprême qui, en 2005, a confirmé son renvoi. Pendant près de sept ans, le Canada a ensuite jaugé les risques que courait M. Mugesera au Rwanda, où il était l'un des criminels les plus recherchés.

En décembre, à la surprise de sa famille, le gouvernement conservateur a décidé que M. Mugesera pouvait être expulsé au Rwanda, où il aurait droit à un procès juste et équitable.

À Québec, ses proches et son avocat croient toutefois que le régime de Paul Kagame va tout faire pour démontrer que M. Mugesera a été l'architecte du génocide, quitte à utiliser de faux témoignages et à fabriquer des preuves à charge.

Les accusations qui pèsent contre Léon Mugesera sont «farfelues, illusoires et venues d'un autre monde», croit Me Bertrand.

«On est en train de fabriquer un Hitler des temps modernes», peste-t-il.

Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a salué l'expulsion de M. Mugesera qui prouve, selon lui, que le Canada n'est pas un «dépotoir ni un refuge pour les malfaiteurs du monde».