Les « célébrations » du bicentenaire de la guerre de 1812 ne font que débuter et déjà des historiens accusent le gouvernement fédéral de verser dans le révisionnisme historique.

« On est déjà en train de désinformer, de tromper et de réinterpréter l'histoire en fonction des besoins idéologiques du présent, dénonce Pierre Anctil, professeur d'histoire à l'Université d'Ottawa. Le gouvernement projette dans le passé ce qu'il voudrait que le pays soit aujourd'hui. C'est grossier. »

Le premier accroc historique de ces célébrations dirigées par Patrimoine Canada est survenu mardi, lors du dévoilement par la Monnaie royale canadienne d'un nouveau dollar de collection commémorant la guerre de 1812. Dans le communiqué de presse émis par la Société d'État on pouvait lire que « cette importante pièce du programme annuel de pièces de collection de la Monnaie commémore un conflit qui a vu les Français, les Anglais et les Premières nations s'unir pour défendre les frontières et les valeurs d'un Canada en devenir ».

« Cette phrase ne tient pas debout, lance l'historien Roger Blanchette. Les Français n'ont rien à voir dans ce conflit-là. Cette guerre opposait les États-Unis à l'empire britannique. Ça faisait longtemps en 1812 que les Français n'étaient plus dans le portrait. »

Pierre Anctil est aussi d'avis que la Monnaie royale a fait une « grossière erreur » de fait en parlant des Français, plutôt que des Canadiens français. « En 1812, il n'y a plus un francophone au Canada qui a des liens politiques ou économiques avec la France, et ce depuis environ 50 ans », dit-il. Mais l'impair de la Monnaie royale va beaucoup plus loin, selon lui. De parler des « valeurs canadiennes » dans ce contexte tient carrément du révisionnisme, estime-t-il.

« En 1812, il n'y a aucun discours politique en place faisant référence à des valeurs canadiennes, explique l'historien. Nous sommes 30 ans avant le premier gouvernement responsable. Le Canada est une colonie britannique, sous le commandement de Londres. Il n'y a aucune notion, à cette époque, de ce que pourraient être les fameuses valeurs canadiennes. Le concept de la démocratie n'est défendu par personne au Canada en 1812, pas plus que les droits de l'Homme. Et quant au bilinguisme, si c'est une valeur canadienne, il est important de noter que les Anglais, en 1840, lors de l'union des deux Canada, vont retirer le statut de langue officielle au français. Le pire était donc encore à venir à ce niveau-là en 1812. »

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