«Le profilage racial existe chez les policiers, même s'il n'est pas pratiqué systématiquement. C'est une déformation professionnelle, associée à certains stéréotypes.»

L'homme qui prononce ces mots sait très bien de quoi il parle, puisqu'il est lui-même Noir et policier. Il oeuvre depuis plus de 20 ans dans un corps municipal de la grande région métropolitaine.

Sous le couvert de l'anonymat, l'agent raconte se faire arrêter régulièrement par ses pairs lorsqu'il est en civil, pour des «vérifications au hasard».

Une situation qui perdure encore aujourd'hui. «Récemment, je suis allé dans un restaurant montréalais bien en vue. Six policiers sont entrés en courant pour m'encercler et me demander ce que je faisais là.» L'agent a été contraint de fournir ses papiers d'identité. Lorsque les policiers ont réalisé qu'ils avaient affaire à un des leurs, ils se sont confondus en excuses. «Ils m'ont dit qu'ils m'avaient vu de loin et m'avaient pris pour quelqu'un d'autre.»

Des histoires comme celle-là, le policier peut en raconter des dizaines. Et pas besoin de conduire un rutilant bolide pour être soumis régulièrement à des contrôles sur la route. Même au volant d'une voiture très banale, il parvient à attirer l'attention des policiers. «Dans les pires cas, ça m'arrive une fois par mois», dit-il.

Selon lui, la police se ment à elle-même lorsqu'elle nie l'existence du profilage racial. «C'est plus répandu qu'on peut le croire. Il faudrait démystifier la frontière entre les races et expliquer aux policiers, avec de la formation, que toutes les minorités ne versent pas dans le crime.»

Il comprend donc parfaitement la frustration ressentie par plusieurs personnes rencontrées dans le cadre de cette enquête. «C'est insultant et j'ai de la misère à excuser ce genre de comportement», tranche-t-il.

Au début de sa carrière, le policier raconte avoir été victime de racisme de la part de ses confrères, même lorsqu'il portait son uniforme. «Des gens étaient récalcitrants de nous voir arriver. Avec les années, la tension a heureusement baissé», constate-t-il.

Le policier sait qu'il prend un risque en faisant ce témoignage et en dénonçant certains comportements chez ses propres collègues. Il s'est assuré à plusieurs reprises qu'on ne l'identifierait pas.

S'il a accepté de témoigner, c'est d'abord pour sensibiliser la population à cette réalité. La sienne. Policier ou non.