Les saisies de drogue ont explosé à la frontière canadienne depuis cinq ans. Les douaniers ont intercepté en 2011 quatre fois plus de stupéfiants qu'en 2006, révèle une compilation des données de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Marijuana, haschisch, cocaïne, héroïne, opium, drogues de synthèse; l'année 2011 a été occupée pour les agents responsables de la sécurité des frontières du pays. En date du 29 novembre, les douaniers avaient saisi pour 1,7 milliard en stupéfiants de toutes sortes en 2011, selon des documents que La Presse a obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. C'est quatre fois plus qu'en 2006 lorsqu'ils en avaient intercepté pour 410 millions.

Cette «performance» des douaniers s'explique en grande partie par d'importantes saisies de graines de marijuana. Pas moins de 67,4 tonnes de ce produit ont été interceptées, faisant gonfler la valeur des saisies de 1,4 milliard.

Cette quantité est d'autant plus importante que le précédent record pour des saisies de marijuana remontait à 2008, lorsque les douaniers avaient intercepté pour... 14 millions, 100 fois moins.

La plupart de ces saisies étaient à destination des États-Unis, alors que le Canada demeure un important producteur de pot, souligne le sergent Chan Dara, coordonnateur national de la lutte contre les plantations de marijuana à la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Le corps policier attribue ces saisies records aux ententes de collaboration signées récemment avec des agences étrangères, notamment américaines. «Notre partage d'information est meilleur, alors on est capables de prévoir l'arrivée de cargaisons avant même qu'elles ne soient à nos frontières», expose le sergent Dara.

Même si les données auxquelles nous avons eu accès ne couvrent que les 11 premiers mois de l'année, on peut déjà conclure que 2011 s'annonce déjà être celle de tous les records. Le précédent record remonte à 2009, lorsque l'ASFC avait intercepté pour 846 millions de stupéfiants. Plusieurs drogues avaient vu des quantités records saisies au cours de l'année. Les douaniers avaient ainsi intercepté pour 296 millions de cocaïne, 201 millions de haschisch, 189 millions d'opium et 30 millions de Valium. Du jamais vu.

Une saisie de 69 barils de GHB, évaluée à l'époque à 1,4 milliard, avait également été faite en 2009. Une analyse plus approfondie de leur contenu avait toutefois révélé qu'il ne s'agissait pas uniquement de la «drogue du viol», forçant l'ASFC à exclure cette saisie de son bilan.

La cocaïne toujours aussi populaire

Parmi les drogues les plus fréquemment saisies, la cocaïne continue à figurer en tête de liste. En cinq ans, les douaniers en ont saisi pour 1,3 milliard. Les saisies ont connu une forte progression entre 2006 et 2010. On note toutefois une forte baisse en 2011, les agents ayant saisi pour 89 millions dans les 11 premiers mois de l'année.

«La cocaïne demeure une drogue encore très populaire au Canada dans toutes les couches de la société», souligne Chan Dara. En novembre, l'ASFC a saisi 16 kg de cocaïne dissimulés dans la roue de secours d'une voiture qui tentait de traverser le poste frontière de Stanstead.

Surtout présente dans l'ouest du pays, l'héroïne est aussi de plus en plus importante dans les saisies de drogue de la GRC. De 34 millions en 2006, la valeur des saisies par l'ASFC a atteint un sommet de 86 millions en 2010. Au cours des 11 premiers mois de 2011, les saisies représentent 55 millions.

La prolifération des drogues de synthèse préoccupe également les policiers, rapporte le sergent Dara. Selon lui, les trafiquants importent désormais de nouvelles drogues de synthèse encore difficiles à détecter. Certaines sont ainsi mélangées à des sels de bain pour déjouer la vigilance des douaniers. «L'humain peut être très créatif», affirme le sergent.

L'ASFC a ainsi saisi pour 134 millions de kétamine en 2010. La «Spécial K» est surtout connue pour ses effets hallucinogènes. La drogue s'est toutefois faite plus discrète en 2011 puisque les douaniers en ont intercepté pour moins de 350 000$ dans les 11 premiers mois de l'année.

Le khat

Drogue surtout populaire auprès des communautés originaires d'Afrique de l'Est, le khat figure également parmi les stupéfiants les plus fréquemment saisis par les douaniers année après année. «Il est probable qu'il y ait un réseau organisé derrière ça», estime le sergent Dara.

Cette drogue cultivée principalement en Éthiopie et au Kenya produit un effet stimulant comparable à la cocaïne et aux méthamphétamines. Typiquement, cette drogue transite par le Royaume-Uni où la plante est légale. En avril 2007, la GRC a d'ailleurs démantelé un réseau d'importateurs de khat à l'aéroport d'Ottawa en provenance de Londres, au Royaume-Uni.

Il reste que la majorité de la drogue arrive ou quitte le pays par les ports. En novembre, La Presse a révélé qu'une grande part des stupéfiants transite par le port de Montréal. Jusqu'à 75% des stupéfiants arrivant ou partant par la voie des mers au pays passeraient par les quais de la métropole québécoise.

Les trafiquants peuvent également recourir aux services de Postes Canada pour expédier leurs produits. C'est d'ailleurs l'une des techniques privilégiées pour alimenter le Nord canadien en drogues, a également révélé La Presse en octobre dernier.

- Avec William Leclerc

Les substances les plus saisies en 2011

Marijuana : 1,4 milliard

Haschisch : 122,9 millions

Cocaïne : 89,2 millions

Héroïne : 54,8 millions

Opium : 16,5 millions

Khat : 5,6 millions

PCP : 4,5 millions

Ecstasy : 2,6 millions

Méthamphétamine : 1,6 million

GHB : 1,5 million

Source : Agence des services frontaliers du Canada