Ayant appris que son amie de 15 ans avait eu des contacts sexuels non souhaités, mais rétribués avec un prétendu photographe rencontré par l'intermédiaire de l'internet, une adolescente de 16 ans se serait offerte en pâture, dans le but de vérifier si son amie disait vrai et de coincer l'individu.

Or, ne s'improvise pas enquêteur qui veut.

«Je voulais appeler la police, mais j'ai eu trop peur. J'ai rentré dans l'auto, et il m'a emmenée dans le stationnement du parc Jarry. Il a baissé son  pantalon et m'a demandé de le sucer. Je ne savais plus quoi faire, je l'ai fait», a raconté la jeune fille, hier, à l'enquête préliminaire de Marc-Antoine Auger, à Montréal. Elle avait 16 ans au moment des faits allégués.

Après les témoignages des deux présumées victimes, hier en Cour du Québec, l'homme de 45 ans a été inculpé de chefs relatifs à l'utilisation d'un ordinateur pour commettre un crime et d'agressions sexuelles sur des mineures. Les faits se seraient déroulés entre les 8 et 29 avril 2010, à Montréal. M. Auger, un père de famille qui était président de la ligue de soccer Les Cavaliers de Sainte-Sophie et qui était bien en vue dans sa communauté au moment des événements, a démissionné après sa mise en accusation, en mai 2010.

Selon les témoignages entendus hier, tout a commencé quand, au printemps 2010, la jeune fille de 15 ans a publié une annonce contenant des photos d'elle sur le site de petites annonces Kijiji, signalant qu'elle cherchait des contrats de mannequin. La jeune fille a répondu au courriel d'un homme qui disait avoir du travail pour elle. Elle a indiqué qu'elle ne voulait pas poser nue. L'homme aurait fait valoir qu'il avait d'autres contrats, et elle a accepté de le rencontrer, dans un Tim Hortons. Sur place, il y avait beaucoup de gens, et l'homme l'aurait plutôt invitée à aller discuter dans sa voiture. Elle a accepté. L'homme aurait vite aiguillé la conversation sur le sexe. «Il m'a dit qu'il avait des contrats payants, après il a parlé de vêtements pour les fantasmes. Là, ça commençait à moins m'intéresser. J'ai dit: "Je ne pense pas que ma mère voudrait." Il m'a répondu: "Ta mère n'est pas obligée de tout savoir."»

La jeune fille affirme qu'au moment où elle allait sortir de l'auto, l'homme, qu'elle identifie comme étant Marc-Antoine Auger, a verrouillé les portières.

«J'ai commencé à avoir peur. Je me suis dit: "je vais rester calme."» L'homme s'est rendu dans le stationnement de la gare de Roxboro, qui était plus tranquille. Il aurait offert à la jeune fille de le masturber trois fois par semaine, en échange d'une rémunération. Toujours selon le témoignage de la jeune fille, l'homme s'est masturbé devant elle dans la voiture et lui a fait des attouchements, avant de la reconduire et de glisser une cinquantaine de dollars dans la poche de son manteau. La jeune fille soutient avoir eu très peur. Elle aurait collaboré par crainte des réactions de l'individu.

Un test

À son retour, la jeune fille a parlé de sa mauvaise expérience à une de ses amies, qui a décidé de vérifier par elle-même.

«Je voulais juste avoir des preuves, savoir si elle disait la vérité, car des fois, elle racontait des choses pour attirer l'attention», a raconté l'amie, hier. Celle-ci a communiqué avec l'homme qui se faisait appeler Marc Gariépy sur Facebook. Elle l'a rencontré le 29 avril, près de l'école qu'elle fréquentait. Elle est montée dans la voiture de l'individu, qu'elle identifie aussi comme M. Auger. Ils se sont rendus dans le stationnement du parc Jarry. À la demande de l'homme, elle lui a fait une fellation. «J'étais figée, je me sentais vraiment mal», a-t-elle répondu en pleurant, hier, à la procureure de la Couronne, Rachelle Pitre. Au terme de la rencontre, elle se souvient que M. Auger lui a donné 50$ avant de la conduire à l'école.

Les deux adolescentes ont porté plainte peu après. M. Auger a été arrêté et a comparu le 19 mai 2010. Hier, Me Joëlle Roy, qui représente l'accusé, a questionné les jeunes filles sur les intentions qu'elles avaient quand elles sont allées rencontrer l'homme qu'elles ne connaissaient pas. Les deux ont assuré qu'elles ne l'avaient pas fait pour l'argent, même si celle de 16 ans s'était plainte de son «manque d'argent» la veille de la rencontre.

M. Auger retournera devant le tribunal le 23 janvier pour connaître la date de son procès.