Que ce soit par courriel, ou sur des sites Web de clavardage, même si vous vous croyez en privé, ce n'est pas forcément le cas. Un couple d'amants virtuels l'a appris à ses dépens et doit répondre à des accusations de production de matériel pornographique juvénile pour avoir discuté en ligne de leurs fantasmes tordus.

La Sûreté du Québec a arrêté ce mercredi matin une femme de la région de Joliette, et un homme de Trois-Rivières, qui auraient échafaudé des scénarios sexuels impliquant une jeune fille de moins de 16 ans, non identifiée, et qui auraient même tenté d'entrer en contact avec elle pour l'inciter à des contacts sexuels.

Vincent Bouchard, un entraîneur de jeunes footballeurs de 33 ans, et Sonia Boivin, 35 ans, s'étaient rencontrés par l'entremise d'un site Web de rencontres et se seraient mis à clavarder. Ils en seraient rapidement venus à parler de sexualité, et de leurs fantasmes.

À un moment donné, selon la SQ, ils se seraient mis à élaborer des scénarios impliquant des jeunes filles mineures, se demandant l'un à l'autre ce qu'ils feraient s'ils avaient à leur disposition une jeune fille pour des jeux sexuels.

La SQ refuse d'élaborer sur la teneur exacte de ces conversations. Il semble toutefois que les deux cyber-amants ne se soient jamais rencontrés avant de se croiser pour la première fois aujourd'hui, les menottes aux poignets.

En plus d'être accusés chacun de deux chefs liés à la production et la diffusion de pornographie juvénile, entre le 3 septembre et le 15 octobre dernier, ils sont en plus accusés d'avoir tenté d'entrer en contact via le Web avec une mineure de moins de 16 ans, ou qu'ils croyaient avoir moins de 16 ans, pour l'inciter à des contacts sexuels.

La police reste aussi nébuleuse sur certains aspects de son enquête. Qui a mis les enquêteurs sur la piste du couple qui discutait en privé? On sait que la plainte émane de la région de Joliette, puisque c'est là qu'ils sont accusés. Serait-ce une tierce personne de l'entourage de la femme qui aurait eu vent de ces échanges et en aurait avisé la police?

La mineure qu'ils auraient tenté de contacter, était-ce une vraie enfant, ou un enquêteur se faisant passer pour une jeune fille pour les piéger? Il semble qu'il pourrait s'agir de cette dernière hypothèse.

Même si à première vue les écrits du couple semblaient relever du fantasme, il reste qu'un article du Code criminel canadien prévoit que tout écrit évoquant des activités sexuelles impliquant des enfants est considéré comme du matériel pornographique juvénile.

Aux yeux des enquêteurs donc, la teneur des propos échangés par ce couple était suffisamment explicite pour constituer du matériel pornographique impliquant des mineurs.

Un tout récent jugement de la cour d'appel du Québec confirme d'ailleurs que le clavardage peut bel et bien être considéré comme un «écrit» au sens de la loi, tout comme une lettre manuscrite, et ce même si l'article du Code criminel a été rédigé bien avant l'invention du clavardage.

Un homme de la région de Sherbrooke, Joël Gagné, avait été accusé en 2008 puis trouvé coupable de production de pornographie juvénile pour avoir tenté en séance de clavardage de convaincre une femme de lui laisser avoir des contacts sexuels avec ses enfants.

L'homme avait même publié sur un site Web une petite annonce intitulée «homme cherche femme monoparentale pour abuser de ses enfants».

En cour d'appel, l'avocate de Gagné avait plaidé que le clavardage n'était pas un écrit comme l'entend le Code, qui considérerait selon elle comme des écrits des documents, lettres, livres ou essais.

«Dès qu'une personne écrit un mot lors d'une séance de clavardage, le produit de cette communication est inscrit sur un serveur ou sur un ordinateur. Ce mot peut être lu, quel que soit son mode de présentation», écrivait la cour d'appel le 22 novembre dans un jugement confirmant la culpabilité de Joël Gagné.

Lors de leur comparution, Vincent Bouchard et Sonia Boivin affichaient une mine déconfite. Une fois mis en accusation, ils ont été libérés moyennant une multitude de conditions, dont un engagement financier de 1000 $, ne posséder aucun ordinateur, aucun abonnement à Internet, ne pas se trouver dans un café Internet, ni dans des parcs et autres lieux où des moins de 16 ans pourraient se trouver. Et surtout ne conserver aucun emploi qui les placerait en situation d'autorité ou de confiance vis à vis de mineurs.

Une condition qui représente un énorme problème pour Bouchard. Entraîneur bien connu de l'équipe de football d'une école secondaire de Trois-Rivières, dont certains joueurs sont âgés de moins de 16 ans, il ne pourra plus s'approcher de ses joueurs. De toute façon, il a été suspendu avec solde par la Commission scolaire, le temps que le dossier soit évalué. La direction a affirmé avoir au moment de son embauche vérifié les antécédents judiciaires de l'homme, qui n'en possédait aucun à l'époque. Une équipe d'intervention sera mise en place jeudi matin à l'école et au complexe sportif où il travaillait pour répondre aux besoins des jeunes et du personnel.

Ils reviendront en cour le 26 janvier.

Avec Paule Vermot-Desroches, Le Nouvelliste