Patrick Limoges a été tué d'une balle perdue au cours d'une désastreuse opération policière au centre-ville de Montréal, en juin dernier. Six mois plus tard, sa mère Johanne Rocheleau attend toujours des explications pour cette mort absurde, qui a choqué tout le Québec.

Depuis six mois, Mme Rocheleau n'a pas reçu le moindre appel des policiers. Aucune excuse. Aucune aide financière pour les obsèques de son fils. «Ils auraient pu au moins envoyer un bouquet de fleurs aux funérailles. Même l'Accueil Bonneau nous en a envoyé un, par sympathie, parce que Mario Hamel [sans-abri visé lors de cette opération policière] était parfois résidant chez eux...»

Des photos de Patrick Limoges sont accrochées aux murs du demi-sous-sol de sa mère, à Trois-Rivières. Sur chacune d'elles, le jeune homme arbore un large sourire. La mère nous accueille avec le même sourire dans ce qui semble être devenu un sanctuaire à la mémoire du fils disparu.

«Je rêve à lui, il me sourit toujours. De toute façon, je ne peux pas l'oublier, les gens m'en parlent sans arrêt», raconte Johanne Rocheleau. Et pour cause: des milliers de personnes ont été outrées par la mort de son fils. Une colère décuplée par le fait que Patrick Limoges a été tué par un policier, dont le travail est pourtant de «servir et protéger».

Il n'y a aucune colère dans la voix de Johanne Rocheleau. Même après s'être fait arracher un fils, la «chair de sa chair», elle n'a aucun compte à régler. «Je ne juge pas les policiers impliqués. Au contraire, on aimerait beaucoup les voir. Juste pour savoir ce qui s'est passé...»

»On n'est sûrs de rien»

Le matin du 7 juin, Patrick Limoges, 36 ans, se rendait au travail, à l'hôpital Saint-Luc. Tout près, des policiers tentaient de maîtriser Mario Hamel, un sans-abri en crise qui venait d'éventrer des sacs à ordures avec un couteau. Ils ont tiré. Une balle aurait ricoché sur le bitume pour se loger dans la nuque de Patrick Limoges. «Il y avait trois ou quatre policiers et trois coups de feu ont été tirés. Un seul aurait tiré. On n'est sûrs de rien...», résume Johanne Rocheleau.

Patrick Limoges a été transporté à l'hôpital. Il n'y avait rien à faire. «Je lui ai demandé de me donner de la force. Il a été débranché le jour même», raconte sa mère, qui a tout de suite voulu parler aux policiers impliqués. Peine perdue. «On m'a dit que c'était impossible, que les policiers étaient en choc. Moi aussi, j'étais en choc!»

L'enquête a ensuite été confiée à la Sûreté du Québec. Par souci de transparence. Un mot qui laisse un goût amer dans la famille de Patrick Limoges. «Elle est où, votre transparence? Elle est où?», s'est énervé le frère de la victime à l'endroit des policiers qui ont annoncé à la famille, à l'hôpital, que la SQ serait responsable de l'enquête.

Johanne Rocheleau tourne les pages d'un album de photos. Elle sourit. Le même sourire que Patrick. «La période des Fêtes sera difficile cette année.»