En raison de sa «grande criminalité», une Française âgée de 67 ans risque l'expulsion vers son pays d'origine, 40 ans après l'avoir quitté. Son crime: avoir été condamnée à neuf mois de prison avec sursis pour un vol de 87 $ dans un supermarché montréalais.

C'est du jamais vu selon son avocat, Stéphane Handfield. «C'est la première fois que je fais face à ce genre de choses dans ma carrière, qu'une personne fait face à une interdiction de territoire pour un vol à l'étalage», s'indigne-t-il.

Jeanine Poloni est arrivée au Canada en 1964, avec son mari de l'époque, Français lui aussi. C'est ici qu'elle bâtit sa vie: sa fille unique est Canadienne, elle a travaillé toute sa vie, sans jamais bénéficier de l'aide sociale, et est aujourd'hui retraitée, souligne son avocat.

Cleptomane, sa cliente a commis plusieurs vols dans des épiceries au cours des quatre dernières décennies. C'est d'ailleurs une première condamnation, en 1968, qui l'a empêchée de demander la citoyenneté canadienne. Mais seule sa dernière arrestation justifie, selon Immigration Canada, son renvoi. Même si depuis ce dernier vol, en décembre 2009, Mme Poloni a entamé une thérapie qui, selon son avocat, a porté ses fruits.

Au Canada, la loi prévoit qu'un touriste ou un immigré, réfugié ou résident permanent, peut faire l'objet de mesures de renvoi s'il a été condamné à six mois de prison, ou plus.

L'Agence des services frontaliers du Canada remet un rapport au délégué du ministre de la Sécurité publique qui peut demander une enquête, et une expulsion.

«Je comprends le principe de la loi. Mais je croyais que ces six mois d'emprisonnement étaient contrebalancés avec l'infraction. Dans ce cas-ci, on parle d'un vol à l'étalage dans un supermarché de 85$, et c'est qualifié de grande criminalité!», s'étonne Me Handfield.

De plus, sa cliente a été convoquée devant la Commission de l'Immigration avant que le ministère de la Sécurité publique ne demande une enquête. «Quand vous posez la question: est-ce que les délégués du ministre lisent les dossiers? J'ose espérer que oui. Mais je me pose des questions», dit-il.

Lors de son passage ce matin devant la Commission de l'immigration, Mme Poloni a laissé échapper de bruyants sanglots. Bouleversée, elle est persuadée qu'elle va être remise de force dans un avion pour la France, un pays dans lequel elle n'a plus aucune attache.

Tous ses espoirs ne sont pas perdus. Son avocat espère qu'en appel, la Commission de l'immigration se montrera sensible aux «motifs humanitaires» du dossier de sa cliente. Mais cet appel ne sera sans doute pas entendu avant plusieurs mois en raison de longs délais au ministère de l'Immigration.

De plus, le climat politique au Canada n'est pas vraiment propice à la clémence. «On ne se cachera pas qu'au cours des derniers mois, on a vu un durcissement des politiques fédérales et criminelles de la part du gouvernement. On voit que les projets de loi et les directives n'augurent rien de bon pour l'avenir pour nos clients», dit Stéphane Handfield.