Trois ans après l'incendie du bunker des Hells Angels de Sorel, seul l'un des trois hommes accusés a finalement été condamné. Et ce n'est pas le cerveau de l'affaire.

Jacques Beaulieu a plaidé coupable aujourd'hui à une accusation réduite de complicité après les faits au palais de justice de Montréal. L'homme de 57 ans n'ira pas en prison.

Le juge André Vincent de la Cour supérieure a suivi la suggestion commune des avocats et lui a imposé une peine suspendue assortie d'une probation de douze mois durant laquelle il n'aura pas le droit de mettre les pieds à Sorel.

C'est son neveu au prise avec de graves problèmes psychiatriques, Steve Carbonneau, qui l'a entraîné dans cette «quête insensée», a retenu le juge Vincent.

Carbonneau a été «l'instigateur principal» d'un crime qui relève de «l'amateurisme et de l'improvisation», mais qui, «contre toute attente» a atteint son objectif, a indiqué le juge Vincent au moment de rendre sa peine.

Le crime de Beaulieu a été de ne pas s'enfuir quand il avait encore la possibilité de le faire. Après l'incendie du bunker, le 18 octobre 2008, le quinquagénaire a conduit son neveu dans un motel de Drummondville plutôt que de l'abandonner à son sort. Il a aussi disposé de certaines pièces à conviction (arme à feu et bidons d'essence).

À sa sortie de la salle d'audience, en fin d'après-midi, Jacques Beaulieu était visiblement soulagé par cette peine clémente. C'est qu'au départ, le quinquagénaire avait été inculpé de six chefs d'accusation dont incendie criminel et vol d'un camion-citerne.

Le procureur de la Couronne, Me Pierre-Luc Rolland, a annoncé dès le début de l'audience plus tôt cet après-midi qu'il n'avait pas de preuve à offrir sur ces chefs d'accusation.  La poursuite a ensuite déposé une accusation réduite de complicité après les faits.

Pour sa part, le neveu de Beaulieu, Steve Carbonneau, a été déclaré non criminellement responsable de ses actes en avril 2009.

Selon le rapport de l'expert qui l'a examiné, Carbonneau était en pleine crise psychotique lorsqu'il a lancé un camion-citerne contre le repaire des motards. Ce jour-là, juste avant de mettre le feu le bunker, il avait également incendié un autre immeuble de la ville pour «faire diversion».

Dans son délire, Carbonneau était convaincu que les Hells Angels allaient le tuer, a expliqué Me Rolland. Cela faisait plusieurs mois qu'il en était persuadé. Il soupçonnait également sa conjointe de l'époque de le tromper avec un motard.

Trois mois avant les incendies, Carbonneau est allé vivre chez son oncle en Abitibi. «Jamais il n'a mis son oncle au courant de son plan», a insisté l'avocate de Beaulieu, Me Sonia Mastromatteo.

La veille des incendies, le 17 octobre, l'oncle reconduit son neveu à Sorel, sa région natale, puisque ce dernier ne va pas bien du tout. Carbonneau demande alors à son oncle de l'amener chez un ami d'enfance, Stéphane Blanchette, qu'il n'a pas vu depuis plusieurs années. L'air «perturbé» et «menaçant», Carbonneau entrepose des bidons d'essence, un sac à outils et une arme à feu chez cet ami.

Le lendemain, Carbonneau met son plan à exécution. Beaulieu et Blanchette sentent qu'ils n'ont pas le choix de le suivre lorsque ce dernier leur demande de l'accompagner. Blanchette prendra la fuite après le premier incendie.

Carbonneau vole un ensuite un camion-citerne. Il charge alors son arme à feu devant son oncle. « Tu me suis jusqu'au local. J'ai besoin de toi», lance-t-il, menaçant. Pendant que son oncle l'attend dans la rue, près de l'entrée du bunker, Carbonneau défonce la clôture du local des motards à l'aide du camion volé dans lequel il a placé des bidons remplis d'essence. Une explosion retentit et réduit le bunker à néant.



«M. Beaulieu aurait eu amplement le loisir de quitter les lieux à ce moment-là. Il ne l'a pas fait», a insisté le procureur de la Couronne. Les trois hommes seront arrêtés quelques jours plus tard. Au terme d'un procès devant jury, en février 2010, Blanchette, inculpé d'avoir comploté dans le but de commettre un incendie criminel et de possession de matière explosive, a quant à lui été acquitté.