Le Bureau de la concurrence a porté des accusations criminelles contre cinq personnes et quatre entreprises de Montréal dans ce qui pourrait être la plus importante fraude par télémarketing de l'histoire du Canada. Malgré tout, le groupe, qui aurait soutiré 172 millions de dollars à au moins 3600 entreprises depuis 2001, reste actif, a constaté La Presse.

En octobre 2007, la Gendarmerie royale du Canada et le Bureau de la concurrence ont arrêté à Montréal 130 personnes soupçonnées de faire partie d'un réseau de télémarketing frauduleux. Compte tenu de l'ampleur de la preuve, c'est seulement jeudi que des accusations pour fraude et télémarketing trompeur ont été portées contre la tête dirigeante, l'homme d'affaires Georges Haligua. Son associée, Amalia Di Falco, a également été accusée, ainsi que trois autres cadres supérieurs du réseau, soit Éric Chenail, Carl Rubat du Mérac et Lawrence Vitas.

Ces cinq personnes sont passibles d'un maximum de 10 ans d'emprisonnement pour les accusations de fraude et de 5 ans pour celles de télémarketing trompeur.

Le groupe aurait utilisé 11 entreprises différentes pour mener ses opérations, mais seulement 4 d'entre elles sont ciblées, les 7 autres ayant fermé depuis la rafle d'octobre 2007. Les sociétés toujours actives sont Mega Byte Information, Express Transaction Services, International Business Logistics et Comexco Management.

Jusqu'ici, 3600 entreprises ont porté plainte contre le réseau de télémarketing. Les victimes sont réparties dans 10 pays: Canada, États-Unis, Suisse, France, Allemagne, Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Porto Rico et Panama.

Selon le Bureau de la concurrence, le groupe a utilisé au moins quatre techniques de vente illégale. Les télévendeurs auraient fait croire aux entreprises ciblées qu'ils appelaient de la part d'un fournisseur qui cherchait à renouveler son contrat. Ils pouvaient également prétendre qu'ils voulaient confirmer une commande autorisée par une autre personne de l'entreprise. Certains télévendeurs demandaient simplement la confirmation de l'adresse de l'entreprise et feignaient ensuite qu'une commande avait été faite. Enfin, ils faisaient croire que l'entreprise devait acheter un produit pour se conformer à une nouvelle loi gouvernementale.

Les produits ensuite envoyés aux entreprises - des annuaires, du matériel de bureau ou des trousses médicales - leur étaient vendus jusqu'à 10 fois leur valeur marchande. Lorsque les «clients» refusaient de payer, ils étaient menacés de mesures de recouvrement, de poursuites ou de voir leur cote de crédit révisée.

Malgré les accusations qui viennent d'être portées, le réseau reste toujours actif. Encore jeudi, Comexco affichait plusieurs postes de télévendeurs sur le site du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec. L'entreprise, propriété d'Amalia Di Falco, dit rechercher des personnes «coriaces, capables de composer avec les plaintes, même quand les clients sont désagréables» et dotées d'«esprit de persuasion».

En fin de journée, jeudi, La Presse a pu constater que l'un des responsables, désigné par le simple prénom d'Éric, reçoit toujours des candidats en entrevue dans les bureaux du centre-ville, rue Belmont, où la GRC a mené son importante perquisition en octobre 2007.

L'une des présumées victimes du réseau, l'organisme communautaire Interaction Famille, du quartier Hochelaga-Maisonneuve, dit d'ailleurs continuer à recevoir des appels pour l'achat de trousses de premiers soins, même après avoir témoigné dans un reportage de l'émission J.E., à TVA, pour dénoncer la fraude.