Rebondissement majeur, lundi, dans le dossier SharQc: la majorité des accusations de meurtre prémédité ont été «suspendues», et un membre en règle de la section de Québec a retourné sa veste.

D'abord accusés de 22 meurtres, les Hells Angels de Québec seront finalement jugés pour 6 ou 7.

Quant aux Hells de Sherbrooke, ils auront leur procès pour 9 des 22 chefs d'accusation de meurtre. Ils demeurent par ailleurs tous accusés de complot pour meurtre.

Même si la poursuite se dit «toujours convaincue» de détenir la preuve nécessaire pour faire condamner tous les accusés sous tous les chefs cités au départ, elle a décidé de «suspendre» la procédure dans la majorité des dossiers de meurtre prémédité.

La procureure en chef du Bureau de lutte au crime organisé, Madeleine Giauque, en a fait l'annonce, lundi, au Centre judiciaire Gouin, à Montréal, au cours d'une audience préliminaire en prévision des deux premiers superprocès découlant de l'opération SharQc, soit ceux des «chapitres» de Québec et de Sherbrooke.

La suspension des accusations, et non leur annulation, a été faite «dans le seul but» de raccourcir la présentation de la preuve et de faciliter le travail des jurés, selon la poursuite. Cette mesure est prévue dans le Code criminel pour une période d'un an moins un jour.

Malaise à la défense

Autre rebondissement: un membre en règle de la section de Québec, Dayle Fredette, a décidé de témoigner contre ses anciens frères d'armes. L'homme de 41 ans, full patch depuis une dizaine d'années, a ainsi comparu par vidéoconférence, assis aux côtés d'un policier, plutôt que dans le grand box vitré comme la vingtaine d'autres accusés de son gang. Il n'a toujours pas signé son contrat de témoin repenti, mais il a présenté une requête lundi pour avoir un procès séparé. Un interdit de publication nous empêche de révéler la teneur des débats.

Cette nouvelle crée un malaise chez certains avocats des Hells, qui craignent que Fredette révèle leur stratégie de défense. Ce motard aurait commencé à collaborer avec la police il y a plusieurs mois. Or, les motards et leurs avocats ont appris cet été qu'il avait l'intention de témoigner pour la poursuite.

«C'est une situation particulière. C'est une personne coaccusée qui, pendant quelques mois semble-t-il, a parlé avec les autorités policières. C'est quelqu'un qui connaissait des détails des discussions entre les avocats et les accusés, et qui maintenant change de camp et se retrouve du côté de la poursuite», a décrit Me Christian Gauthier, avocat de Pierre Hamilton, à sa sortie de la salle d'audience.

«Certains pensent que cela démontre que le ministère public a de la difficulté à prouver certains éléments», a dit pour sa part Me Rudi Daelman, avocat de Claude Giguère et de Sylvain Gagné. Il s'attend d'ailleurs à un procès «extrêmement long» même si le nombre de chefs d'accusation a été réduit.

Certains se font plus cinglants. «Fredette a de gros problèmes psychiatriques. Les gars se cotisaient pour payer ses pilules dans le temps», a lancé l'avocat d'Alain Ruest, Me Daniel Rock.

L'arrestation de 155 présumés membres ou sympathisants des Hells Angels a eu lieu en avril 2009. Au grand dam de la poursuite, en mai dernier, le juge James Brunton en a libéré 31 au motif que le manque de juges et de salles d'audience sécurisées compromettait leur droit d'être jugés dans un délai raisonnable. Cette décision a secoué le public, en plus de susciter des réactions de désapprobation des milieux politiques. La poursuite a d'ailleurs porté cette décision en appel.

Les accusés du «chapitre» de Sherbrooke doivent retourner en cour lundi prochain.