Pour la défense, la mort de la petite Bianca Leduc, le 31 octobre 2007, est le résultat d'un malheureux accident, tandis que pour la Couronne, c'est la négligence criminelle de l'accusé, Brandon Pardi, qui explique la tragédie survenue la journée de son 18e anniversaire. M. Pardi connaîtra son sort le 9 décembre prochain, alors que le juge Michel Mercier rendra son verdict.

M. Pardi a son procès à Valleyfield, sous des accusations de négligence criminelle ayant causé la mort et de conduite dangereuse. Jeudi matin, dans une salle bondée, le juge a écouté les plaidoiries des avocats des deux parties. Le jeune Pardi roulait vite dans un quartier résidentiel de L'Île-Perrot l'après-midi en question, ont assuré des témoins. Il suivait la voiture de son copain, un jeune de 17 ans. Ce dernier a tourné à gauche à l'intersection des rues des Érables et Giffard, apparemment pour éviter que Pardi, qui arrivait vite derrière lui, ne le heurte. La collision s'est produite quand même, au milieu de l'intersection. Les voitures ont volé dans le décor. La petite Bianca, 3 ans, qui jouait sur le terrain de sa gardienne, est morte écrasée par la Volkswagen Golf conduite par Pardi.

Le copain acquitté

C. R, le jeune de 17 ans qui conduisait l'autre voiture, a été jugé sous les mêmes accusations, en Chambre de la jeunesse; il avait son permis depuis une semaine. Il a été acquitté en juin dernier. Le cas de Pardi est beaucoup plus complexe. Il n'avait qu'un permis restreint, qui lui interdisait de conduire sans être accompagné. Il avait pris la voiture sans la permission de son père, une voiture à transmission manuelle qu'il avait conduite une quinzaine de fois. Il roulait bien au-dessus de la limite de vitesse permise (72 km/h, au lieu de 30 km/h, selon l'expert du ministère public). De plus, selon son propre témoignage, alors qu'il s'approchait de l'intersection, son téléphone portable a sonné et il l'a pris pour regarder qui appelait. Cet instant d'inattention aura été fatal, selon lui. Au moment des faits, les portables n'étaient pas encore interdits au volant.

Me Pierre Joyal, de la défense, a rappelé que la tragédie était survenue dans les 13 premières heures de la majorité de son client. Le garçon a essayé de se faire juger comme mineur. Il a tenté sa chance jusqu'en Cour suprême, mais il a échoué. Me Joyal a signalé que les rapports des experts de la Couronne et de la défense sont contradictoires sur des points, comme la vitesse estimée de la voiture du jeune homme. Il reconnaît cependant que son client dépassait la limite permise, «comme un peu tout le monde», dans cette rue qui s'apparente plus à un boulevard, a-t-il dit. Selon Me Joyal, son client devrait être acquitté.

Une conduite téméraire

Le procureur de la Couronne, Joey Dubois, est évidemment d'avis contraire. Le jeune Pardi a eu une conduite déréglée et téméraire, très éloignée de ce qu'aurait fait une personne raisonnable. Une personne raisonnable n'aurait pas conduit sans permis et n'aurait pas roulé extrêmement vite, a fait valoir l'avocat. Pardi soutient qu'il ne roulait pas si vite, mais il est contredit par à peu près tout le monde, même par son copain qui le précédait, a soutenu le procureur. Une femme qui l'a vu passer à toute vitesse, empiétant sur la voie contraire, s'est même fait cette réflexion: «maudit sans-dessein!» Selon Me Dubois, la négligence criminelle est prouvée.

Nadine Leduc, mère de la petite victime, était présente pour les plaidoiries, comme pour toute la durée du processus judiciaire. Elle portait un t-shirt blanc avec l'inscription «la vitesse tue», au-dessus d'une photo de sa fille. Mme Leduc dit avoir confiance en la justice. «C'est sûr qu'il ne s'est pas levé le matin en disant: «je vais aller tuer Bianca»», a-t-elle résumé devant les médias. Mais elle se sent incapable de pardonner. «Il a pris mon bébé, je ne peux pas pardonner», a-t-elle dit en fondant en larmes.