Depuis trois mois, Hendrik Tepper, cultivateur de pommes de terre du Nouveau-Brunswick, vit un enfer, coincé dans une cellule bondée d'une prison libanaise, où il dort entre les coquerelles et les araignées géantes.

Accusé par le gouvernement algérien d'avoir falsifié un document afin de faire entrer illégalement en Algérie des pommes de terre dangereuses pour la consommation humaine, il a été emprisonné au Liban en vertu d'un mandat d'arrêt d'Interpol. Il demeure dans les limbes juridiques, sans inculpation ni procès.

Alors qu'Ottawa assure fournir à M. Tepper tous les services consulaires nécessaires, son avocat et des membres du Parti libéral accusent le gouvernement conservateur d'abandonner à son sort, encore une fois, un Canadien en détresse à l'étranger.

«Ce n'est pas un gouvernement qui a un dossier très encourageant quand il s'agit de protéger des Canadiens en difficulté à l'étranger», a souligné le député libéral du Nouveau-Brunswick, Dominic LeBlanc, citant en exemple les cas de Nathalie Morin en Arabie Saoudite, d'Omar Khadr à Guantanamo ou encore de Ronald Smith, passible de la peine de mort aux États-Unis.

«Dans ce cas, il s'agit d'une dispute commerciale avec l'Algérie, a-t-il ajouté. Ça n'a aucun bon sens qu'on laisse un Canadien dans des conditions d'emprisonnement très difficiles au Liban, où il ne fait face à aucune accusation, et sans aucun recours à une libération sous caution.»

C'est lors d'une mission commerciale officielle, financée en partie par le gouvernement canadien, que M. Tepper a été interpellé à son arrivée au Liban, le 23 mars dernier.

Topique Farms, l'entreprise d'Hendrik Tepper, 44 ans, est le deuxième producteur de pommes de terre du Nouveau-Brunswick, avec 40 employés et un chiffre d'affaires annuel entre 2,5 et 5 millions de dollars.

Or, selon les informations obtenues par son avocat, Me Rodney Gillis, la GRC était au courant du mandat d'arrêt international contre M. Tepper depuis 2008, mais n'a jamais porté d'accusations, ni même averti le cultivateur de possibles démêlés avec la justice s'il voyageait à l'étranger.

Dans une ultime tentative de voir M. Tepper rapatrié au Canada, Me Gillis a demandé hier au Procureur général de déposer des accusations contre son client et de lancer un mandat d'arrêt, afin qu'il soit jugé ici pour les crimes allégués.

M. Tepper nie les faits allégués et son avocat souhaite qu'il puisse se défendre devant la justice canadienne, où il sera protégé par la Charte des droits et libertés.

«J'ai tenté de faire pression pour qu'Ottawa demande aux autorités libanaises son rapatriement, mais le gouvernement est réticent à le faire. Les autorités libanaises me disent que le Canada n'aurait qu'à demander, a souligné Me Gillis. Le ministère des Affaires étrangères n'a offert aucune collaboration. Je n'ai pratiquement eu aucune communication avec eux.»

Dans une lettre à Me Gillis datée du 12 mai 2011, une responsable du ministère de la Justice du Canada, Donna Blois, indique que «le Canada n'interviendra pas dans les processus judiciaires d'États souverains».

Au bureau du ministre des Affaires étrangères, John Baird, et à celui du ministre de la Justice, Rob Nicholson, on a renvoyé la balle à la ministre d'État responsable des affaires consulaires, Diane Ablonczy.

«Les services consulaires au Liban ont fourni du soutien à M. Tepper et à sa famille depuis son arrestation, incluant des visites régulières pour s'assurer de son bien-être, dit le porte-parole de la ministre, John Babcock. Nous allons continuer à travailler auprès des autorités libanaises pour réclamer des procédures équitables et une gestion transparente et rapide du dossier.»