Les avocats de Revenu Québec ont eu beaucoup de difficulté à convaincre le juge Jean-Guy Boilard, hier, qu'ils pouvaient ordonner à Revenu Canada de leur remettre toute leur preuve contre des entreprises de Tony Accurso.

En février, Revenu Québec a obtenu une ordonnance de la Cour du Québec qui sommait Revenu Canada de lui transmettre tous les documents obtenus lors des perquisitions dans les bureaux de Constructions Louisbourg ltée et de Simard-Beaudry Construction inc., en 2009, ainsi que dans d'autres lieux.

Tony Accurso et ses avocats se sont adressés à la Cour supérieure pour faire casser cette ordonnance. Toute la journée, hier, les avocats de Revenu Québec ont tenté de convaincre le juge Jean-Guy Boilard du bien-fondé de leur démarche, mais sans grand succès.

M. Boilard doit rendre sa décision jeudi prochain, mais il a déjà annoncé ses couleurs: il a répété plusieurs fois que Revenu Québec ne peut pas utiliser sa propre loi, une loi provinciale, pour donner des ordres au gouvernement fédéral.

Preuve

En décembre dernier, Louisbourg et Simard-Beaudry se sont avouées coupables d'avoir fraudé le fisc fédéral pour une somme de 4 millions de dollars. Revenu Québec a alors demandé et obtenu des renseignements recueillis pendant l'enquête de Revenu Canada, mais pas toute la preuve.

Cette preuve repose en bonne partie sur les documents saisis lors des perquisitions, notamment des milliers de chèques. Or, les perquisitions sont autorisées en vertu du Code criminel, une loi fédérale. Une disposition du Code stipule que les documents (ou les objets) saisis doivent être remis à leurs propriétaires une fois les enquêtes terminées.

Les avocats de M. Accurso soutiennent donc que leur client a le droit de récupérer ces documents et que ceux-ci ne peuvent être transmis à une tierce partie, en l'occurrence Revenu Québec.

Jurisprudence

Une entente entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux permet l'échange de renseignements fiscaux, mais non de renseignements obtenus lors de perquisitions autorisées en vertu du Code criminel. La décision du juge Boilard fera donc jurisprudence.

Elle aura des impacts importants pour le gouvernement du Québec. Si le juge Boilard maintient l'ordonnance, l'Agence de revenu du Québec (son nom officiel) pourrait espérer réclamer elle aussi des millions de dollars à M. Accurso et à ses entreprises. Mais surtout, le gouvernement du Québec serait mieux armé s'il souhaitait révoquer ses licences d'entrepreneur en construction.

Lorsque Revenu Québec a présenté sa demande d'ordonnance à la Cour du Québec, en février, ses avocats ont déposé une déclaration sous serment selon laquelle M. Accurso avait participé personnellement à la fraude fiscale. Revenu Québec allègue que de fausses écritures comptables de plusieurs millions de dollars dans les livres des entreprises de M. Accurso servaient à «camoufler des dépenses de nature personnelle au bénéfice de M. Anthony Accurso et des membres de sa famille», selon la déclaration, obtenue par l'émission Enquête de Radio-Canada.

Des dépenses étaient liées à des travaux à «son bateau ainsi qu'aux résidences personnelles de M. Accurso et de son fils», sans compter plus de 230 000$ en frais d'hôtel, en vêtements et accessoires luxueux «par et pour les membres de la famille de M. Accurso et pour lui-même», souligne la déclaration.