L'opération SharQc n'a pas été improvisée. Au contraire, elle est le résultat d'une «longue planification», insiste le directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Louis Dionne.



N'en déplaise à la magistrature, les superprocès sont le meilleur moyen pour s'attaquer au phénomène de la criminalité organisée, a affirmé Me Dionne au cours d'un point de presse donné à Montréal en compagnie de la procureure responsable du dossier SharQc, Me Madeleine Giauque, et du nouveau patron du Bureau de lutte au crime organisé (BLACO), Me François Brière.

Le DPCP a répliqué ainsi au juge James Brunton, qui avait libéré la veille, pour «délais déraisonnables anticipés», 31 des 155 membres ou sympathisants des Hells Angels arrêtés dans l'opération SharQc.

Le juge Brunton a accusé le gouvernement québécois d'avoir mal planifié les superprocès. Il aurait fallu selon lui plus de salles d'audience et plus de juges pour que tous les prévenus soient jugés dans des délais raisonnables.

Quelques heures à peine après avoir reçu le jugement, le DPCP a décidé d'en appeler.

«Dès le départ, le DPCP considérait sérieusement l'impact et la gestion des accusations sur l'administration de la justice et était d'avis que tous les accusés pouvaient subir leur procès dans des délais raisonnables», a dit Me Dionne.

Le DPCP a choisi de faire des superprocès parce qu'il aurait fallu toute une vie, et même plus encore, pour juger ces accusés un à un. Me Dionne a insisté sur le fait que les 155 personnes arrêtées étaient des têtes dirigeantes et d'importants collaborateurs des Hells Angels.

De son côté, le nouveau procureur-chef du BLACO, Me François Brière, estime que l'acquittement des 31 accusés n'aura pas d'impact sur la sécurité publique. «Les policiers veillent au grain», a-t-il répondu à La Presse.

Manque de moyens?

Son prédécesseur, Me Claude Chartrand, avait démissionné avec fracas lors de la grève des procureurs, affirmant que le Québec n'avait plus les moyens de s'attaquer au crime organisé.

La décision du juge Brunton renforce-t-elle cette thèse? Me Brière concède qu'il faudra sans doute ajouter des procureurs pour lutter efficacement contre le crime organisé, mais que le Québec est en mesure de le faire.

La poursuite est «à la remorque» des organisations criminelles, selon Me Brière. Si les superprocès sont de plus en plus difficiles à mener, c'est que les organisations criminelles sont de plus en plus complexes, a ajouté Me Dionne.

Les Hells Angels forment une seule et même organisation criminelle dans l'ensemble du territoire québécois, selon la poursuite. Le juge Brunton a toutefois mis à mal cette assertion en ordonnant de diviser les procès en fonction des sections régionales (ou «chapitres» des Hells Angels): Sherbrooke, Montréal, South, Québec et Trois-Rivières.

Le magistrat a également déclaré que la poursuite ne pouvait joindre les accusations de meurtre à celles de trafic de drogue et de gangstérisme, libérant du même coup tous ceux qui étaient uniquement inculpés de trafic de drogue et de gangstérisme.

Le magistrat a calculé qu'il faudrait 11 procès pour juger les 155 accusés, dont certains auraient dû avoir 2 procès. Cette vision est erronée, estime de son côté la poursuite. «Nous avions la volonté ferme, bien arrêtée, de ne pas faire deux procès au même individu», soutient le DPCP.

La poursuite assure qu'elle est prête à entreprendre dès maintenant les deux premiers superprocès planifiés par le juge Brunton - ceux des sections de Sherbrooke et de Québec. La première conférence préparatoire est d'ailleurs prévue le 10 juin au centre judiciaire Gouin. «Ce n'est pas fini, SharQc, c'est loin d'être fini», a prévenu le DPCP sur un ton plus optimiste.