Après avoir reçu une indemnité de quelque 5000$ à titre de victime d'un acte criminel, Francis Bastien s'est procuré du crack. Beaucoup de crack.

Contre-interrogé par la défense, l'homme de 29 ans a fait cette admission, hier, au procès de Stéphanie Meunier, au palais de justice de Montréal. Mme Meunier est accusée du meurtre prémédité de Jérémy Bastien-Perron, 4 ans, fils de Francis Bastien. À l'époque où le drame est survenu, en décembre 2008, Mme Meunier était la nouvelle conjointe de M. Bastien.

En plus d'acheter «beaucoup» de crack, cet argent a aussi permis à Bastien de payer une partie des frais funéraires engagés à la suite de la mort de Jérémy, a-t-il nuancé.

Les jurés ont appris hier que l'homme est aussi inculpé dans cette affaire: il est accusé d'homicide involontaire, de négligence criminelle, de voies de fait graves et de voies de fait ayant causé des lésions corporelles à son fils. Son enquête préliminaire aura lieu l'an prochain.

Stéphanie Meunier, 32 ans, a été accusée immédiatement après le drame, alors que M. Bastien l'a été un peu plus de deux ans plus tard.

Il a longtemps nié avoir lui-même battu son fils. Ce n'est qu'à l'enquête préliminaire de Mme Meunier, en avril 2010, qu'il a admis lui avoir donné des coups de ceinture et des coups de cuillère de bois pour le corriger. Il l'a aussi mordu une fois. L'accusée et lui auraient également forcé Jérémy à s'habiller en fille pour lui donner une leçon.

À sa deuxième journée à la barre des témoins, hier, Bastien a eu de nombreux trous de mémoire. Il a éprouvé beaucoup de difficulté à répondre à des questions simples, au point où le procureur de la Couronne, Me Louis Bouthillier, a senti le besoin de lui faire décrire son parcours scolaire. Bastien a intégré une classe pour enfants en difficulté d'apprentissage dès le début de son primaire. Il a quitté l'école à 17 ans avec l'équivalent d'une première secondaire.

Sa vie personnelle a été parsemée d'embûches. Son père l'a déjà battu à coups de ceinture. Ses parents sont morts dans un accident lorsqu'il avait 12 ans. Il a consommé des drogues dures. Il s'est séparé de la mère de Jérémy avant la naissance de l'enfant.

Il jure que, avant d'emménager avec Stéphanie Meunier et ses quatre enfants, il n'avait pratiquement jamais levé la main sur son fils.

Avec le recul, Bastien estime aujourd'hui qu'il s'est fait manipuler par l'accusée, qui l'aurait incité à corriger Jérémy. Elle n'aimait pas l'enfant, selon lui. «Quand tu es dedans, tu vois rien. Je l'aimais (Stéphanie). Je voulais une famille normale. Vu qu'elle était plus vieille, qu'elle avait quatre enfants, je me fiais un peu sur elle», a-t-il dit, hier, d'une voix mal assurée.

Bastien a fait la connaissance de l'accusée en mai 2008. Ils ont emménagé ensemble en novembre dans un logement de la rue Armand-Bombardier, à Rivière-des-Prairies.

L'enfant est mort cinq semaines plus tard d'un coup à la tête après avoir été battu à répétition pendant des jours, voire des semaines, selon la théorie de la Couronne. Son corps était couvert d'ecchymoses récentes et plus anciennes. Le père était alors absent depuis une semaine. Il participait à des tests pharmaceutiques dans un laboratoire montréalais pour gagner de l'argent rapidement. L'accusée avait alors la garde de Jérémy.

Tentatives de suicide

Après la mort de son fils, Bastien a fait deux tentatives de suicide, a-t-il dit, hier. Il prend aujourd'hui des médicaments pour maîtriser son anxiété. Cela l'aide à se sentir plus à l'aise en cour, pour dire la vérité en mémoire de son fils, a-t-il insisté.

Dans la première version qu'il a donnée aux enquêteurs, en décembre 2008, Bastien avait nié avoir déjà battu son fils à coups de ceinture. L'avocate de la défense, Me Joëlle Roy, lui a demandé s'il avait menti pour éviter de rendre l'indemnité de 5000$ ou encore par crainte d'être accusé à son tour. Il a répondu qu'il souffrait trop à l'époque pour se souvenir de tout.

«Peut-on oublier qu'on a battu son enfant?», lui a demandé l'avocate. «Ce sont des choses qui arrivent», lui a répondu le jeune homme, qui portait un chandail en coton ouaté marqué FBI. Le procès devant jury se poursuit aujourd'hui.