Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir.       ***

Timide, peu sûr de lui et d'un naturel réservé, Guy Turcotte a été immédiatement conquis par la personnalité et l'assurance d'Isabelle Gaston quand ils se sont connus à Québec, en 1999, pendant leurs études en médecine. M. Turcotte est tombé amoureux d'elle dès leur première rencontre.

C'est ce qui ressort du témoignage que M. Turcotte a commencé à rendre hier après-midi, à son procès. L'homme de 39 ans, accusé du meurtre prémédité de ses deux enfants, a parlé d'une voix audible mais chevrotante. Son avocat, Me Pierre Poupart, l'a d'abord invité à décrire son parcours de vie. Né en 1972, il est le troisième d'une famille de six enfants. Son père a travaillé comme monteur de lignes à Hydro-Québec avant de devenir répartiteur. Sa mère, originaire de la Gaspésie, a été institutrice dans une école de rang avant de venir faire son cours de puéricultrice à Montréal. La famille Turcotte s'est établie à Saint-Hubert en 1973, et c'est là que Guy Turcotte a passé toute son enfance. Ses parents sont catholiques pratiquants. «C'était la messe tous les dimanches, on a été élevés dans les valeurs chrétiennes», a précisé M. Turcotte.

Il ne garde pas de bons souvenirs de ses années d'école primaire. «J'étais le petit gars qui se faisait écoeurer, niaiser par tout le monde. Je n'étais pas bon dans les sports, j'étais toujours le dernier à être choisi dans les équipes», a-t-il expliqué. Il portait des lunettes, ce qui le complexait. Il avait cependant de très bonnes notes. «Je passais pour le petit nerd

École secondaire

Les choses se sont un peu améliorées au secondaire. Il s'est fait des amis, a commencé à faire de la natation. Il voulait devenir sauveteur et a atteint son but à 16 ans. «J'ai fait mes couleurs (degrés de natation) les unes après les autres, sans arrêt», a-t-il dit. En troisième secondaire, il a réglé un grand problème qui l'affectait: «J'ai réussi à me débarrasser de mes lunettes.» Il a obtenu une «prescription difficile» pour des verres de contact. Il a occupé différents emplois d'étudiant pour se faire de l'argent de poche. Comme ses frères et soeurs, il a été à l'école privée, car l'éducation était primordiale chez les Turcotte. Il a ensuite fréquenté le cégep et a décidé de devenir médecin. En 1991, il a été accepté en médecine à Québec et s'y est établi. Au cours de son cheminement, il a décidé de se spécialiser en cardiologie. «Ça prend 11 ans pour devenir cardiologue», a-t-il précisé. Pendant toutes ces années, il a eu des petites amies, certaines plus sérieuses que d'autres.

Il a connu Isabelle Gaston au cours d'un 5 à 7. Elle avait un diplôme d'infirmière et avait entrepris des études en médecine. M. Turcotte a immédiatement été conquis par sa fougue et sa beauté, mais elle ne voulait pas d'une relation stable au début, car elle n'avait pas encore fait le deuil de sa dernière relation. Ils sont tout de même sortis ensemble. M. Turcotte se souvient de ses sentiments à l'époque.

«C'est une belle fille, intelligente, souriante, pleine d'énergie et d'assurance, avec du leadership, qui a beaucoup d'entregent. Je me trouve chanceux de pouvoir être avec cette fille-là. Je la trouve tellement extraordinaire que je suis surpris qu'elle s'intéresse à moi. Moi, je me trouve bien ordinaire.»

Disputes

Néanmoins, ils ont commencé à cohabiter en 2000 et ont eu des disputes. «Je vis ça difficilement, je me sens attaqué. Je n'ai jamais eu de chicanes avec mes blondes. Elle, elle me dit que c'est normal.» En mars 2001, parce qu'il ne l'avait pas appelée pendant une semaine alors qu'il était en voyage, ils ont eu une «grosse chicane.» M. Turcotte dit avoir donné une petite gifle à Mme Gaston, qui la lui a rendue. M. Turcotte l'a quittée, après quoi il a éprouvé de la tristesse, un sentiment de grand vide sans elle. Quelques mois plus tard, Mme Gaston est venue frapper à sa porte. Ils se sont expliqués et ont renoué.

M. Turcotte a fait sa demande de fiançailles lors d'une randonnée pédestre au sommet du mont Washington, en pleine tempête de neige, en novembre 2001. «Elle a dit oui. J'avais apporté une petite bouteille de champagne. C'était super romantique. Le soir, je lui ai donné la bague. C'étaient des moments magiques», a-t-il expliqué avec émotion avant qu'on ajourne la séance. Isabelle Gaston était assise dans la première rangée de la salle d'audience. Le témoignage de M. Turcotte se poursuit aujourd'hui.

Rappelons que le drame s'est produit le 20 février 2009, dans la maison que M. Turcotte venait de louer à Piedmont, après sa récente séparation d'avec Isabelle Gaston. Il a poignardé à plusieurs reprises Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, et a tenté de se suicider en buvant du lave-glace.

Hier, avant de commencer à présenter sa preuve, Me Poupart a demandé au jury d'être attentif aux détails, car c'est là que se situe l'enjeu du procès. Il entend démontrer que M. Turcotte n'était pas responsable de ses gestes au moment de les commettre. «Que s'est-il passé là-dedans?», a dit Me Poupart d'une voix forte en se tapotant la tête de ses deux index.