Plus de 12 ans après la disparition de la petite Jolène Riendeau, la police a enfin retrouvé son corps et aurait un suspect en vue. Même si plusieurs questions demeurent sans réponse, le brouillard entourant une des affaires les plus mystérieuses au Québec se dissipe.

La nouvelle annoncée hier matin par le Service de police de la Ville de Montréal a eu l'effet d'une bombe. Les restes de Jolène Riendeau auraient été retrouvés dans la grande région métropolitaine. Pour ne pas nuire à l'enquête en cours, la police refuse toutefois de préciser où et quand. Même les parents de la disparue ont été tenus dans l'ignorance. «Nous suivons une piste sérieuse et nous ne voulons surtout pas la compromettre. La personne qui a fait ça ne doit pas s'en tirer», a expliqué le sergent Ian Lafrenière.

Selon nos sources, les restes de Jolène Riendeau se trouvaient depuis très longtemps à l'endroit où ils ont été découverts. La fillette de dix ans et demi serait morte dans les heures ou les jours qui ont suivi sa disparition.

Le sergent Lafrenière n'a pas précisé ce qui avait permis de relancer l'enquête. Mais dans ce genre de situation, il arrive souvent que les enquêteurs accueillent les confessions d'un témoin qui n'était plus capable de vivre avec un tel secret sur la conscience.

Au fil des années, 1500 éléments d'information ont été transmis aux policiers et analysés.

Sur les traces de Jolène

Le jour de sa disparition, le 12 avril 1999, Jolène Riendeau venait de préparer le souper avec son père dans leur résidence de la rue De Montmorency, à Pointe Saint-Charles. Pour la récompenser, son père lui a donné de l'argent pour aller s'acheter des croustilles dans un dépanneur voisin, rue Charlevoix. Elle n'a jamais été revue. Les policiers ont ensuite ratissé le secteur de long en large, allant même jusqu'à abaisser le niveau de l'eau du canal de Lachine pour en draguer le fond.

Des milliers d'avis de recherche ont ensuite été placardés partout dans la province. La famille de la disparue a quitté depuis des années l'appartement de la rue de Montmorency. Un locataire voisin, rencontré hier, n'avait même jamais entendu parler de cette affaire.

De l'autre côté de la rue, les religieuses d'une congrégation franciscaine se souvenaient en revanche de cette mignonne petite fille qui venait leur rendre visite. «La petite venait souvent ici pour jouer, prier avec nous et faire du ménage», a raconté soeur Mélia, qui se souvient de l'onde de choc qu'avait causée sa disparition dans le quartier.

«On espérait toujours son retour», a ajouté la religieuse.

À quelques intersections de là se trouve le dépanneur Beau-Soir, où Jolène a été aperçue vivante pour la dernière fois. Le commerce appartient à la famille Marcoux depuis 32 ans. L'affaire Riendeau fait évidemment partie de leur histoire. «Chaque année, la mère venait ici porter des avis de recherche. Ici, tout le monde connaît la petite Riendeau. Sa découverte est plate, mais au moins, elle met un terme à cette triste histoire», a souligné Jean-François Marcoux.

La famille souhaite la paix

La famille de Jolène souhaite vivre cette épreuve à l'abri des projecteurs. «Pour l'instant, on ne donnera pas d'entrevue», a répondu un proche de la famille, joint en après-midi au logement de la mère de Jolène, Dolorès Soucy, dans l'est de Montréal.

L'organisme Enfant-Retour, où la mère travaille comme bénévole, joue en attendant le rôle d'intermédiaire avec les journalistes. «C'est un choc pour les parents et la famille proche. Ils sont anéantis, même s'ils s'attendaient à un tel scénario depuis un certain temps», a expliqué la directrice générale de l'organisme, Pina Arcamone.

Mme Arcamone a accompagné la famille à une rencontre avec les policiers, aux aurores hier. «La police n'a pas donné de détails sur la découverte du corps, mais elle a simplement confirmé à 100% que les restes retrouvés étaient ceux de Jolène», a expliqué Mme Arcamone. «La police dit avoir une piste sérieuse qui mènera à des accusations. On veut vraiment voir le responsable derrière les barreaux», a-t-elle ajouté.

Condoléances du père de Cédrika Provencher

Cette histoire fait évidemment revivre toutes sortes d'émotions aux parents d'enfants disparus. «Ça ravive plein de choses. La douleur est toujours vive et elle risque de l'être la journée où une telle annonce va arriver. On n'est jamais prêt à ça», a confié Martin Provencher, sans nouvelles de sa fille Cédrika, disparue à l'âge de 9 ans en 2007.

M. Provencher parvient à imaginer ce que vit la famille de Jolène aujourd'hui. «Le choc doit être terrible et le poignard vient de s'enfoncer dans la plaie, parce que la disparition de ton enfant est un sujet sensible avec lequel tu dois apprendre à vivre», a-t-il raconté.

Des parents errants

Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, président-fondateur de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD), a aussi offert ses condoléances aux parents et aux proches de Jolène Riendeau. «On a beaucoup côtoyé ces gens-là dans leurs recherches. Dans ces cas-là, la pire des réponses est préférable à aucune réponse du tout, a souligné M. Boisvenu. On devient des parents errants. Je suis soulagé pour la famille, elle pourra entreprendre son deuil. Bravo aux policiers!»

Avec Catherine Handfield