Le procès de Guy Turcotte, le drame de l'Île-de-la-Visitation, celui de Sainte-Florence, en Gaspésie, le témoignage de l'ex-conjoint d'Adèle Sorella, cette Lavalloise accusée d'avoir tué ses deux fillettes: en moins d'un mois, des tragédies familiales se retrouvent à l'avant-scène et secouent la province. Quel impact le récit de ces histoires bouleversantes et fortement médiatisées peut-il avoir dans la tête des gens?

Une chose est sûre, elles ne laissent personne indifférent, croit le psychologue Hubert Van Gijseghem, spécialisé dans les drames familiaux. «C'est tellement contre-nature que ça vient frapper l'imaginaire. L'inceste et l'infanticide sont les derniers tabous. La destruction de ses propres enfants...», explique ce professeur à la retraite de l'Université de Montréal.

Selon Rose-Marie Charest, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, ces drames familiaux font ressortir la peur de soi. «Il y a à l'intérieur de nous des pulsions agressives, la peur qu'une telle chose se concrétise», croit Mme Charest.

Selon Hubert Van Gijseghem, les gens sont à la fois horrifiés et fascinés devant un phénomène aussi incompréhensible. «Je trouve qu'il y a quelque chose de pervers dans l'engouement de la population pour ces choses. À partir de quel moment nourrit-on trop une tendance voyeuriste?» s'interroge-t-il.

Le rôle des médias

Il suffit de penser à certains détails à glacer le sang entendus la semaine dernière au procès du docteur Guy Turcotte, accusé d'avoir tué ses deux enfants après une séparation.

Le choix de rapporter ou non certains éléments du drame et de publier ou non certaines photos a fait débat dans les salles de presse, mais également dans les chaumières. «La responsabilité des médias est d'en parler, mais aussi d'essayer d'analyser au lieu d'impressionner. Inutile de choquer, juste décrire ces histoires est suffisant», souligne Mme Charest.

Quant à savoir si le fait de faire couler des litres d'encre sur ces histoires peut donner envie à des gens de passer à l'acte ou, au contraire, les en dissuader, impossible de le mesurer selon nos experts. «Aucune étude ne s'est attardée là-dessus et les deux hypothèses sont valables», explique Hubert Van Gijseghem, plutôt critique envers les médias dans leur couverture de ces événements. «Est-ce qu'on en fait trop? Oui, selon moi. Les médias devraient avoir un devoir de réserve. Il y a des choses qui devraient rester du domaine privé», plaide M. Van Gijseghem.

En clair, d'après les psychologues, les détails sur les blessures infligées aux enfants n'apportent pas d'eau au moulin.

Mais les médias peuvent aussi jouer un rôle positif, enchaîne Rose-Marie Charest. «Ils peuvent sensibiliser les gens à la souffrance des parents en détresse et rappeler à ces derniers qu'ils ne sont pas seuls.»

Mme Charest a notamment été appelée à commenter l'histoire de cette mère de famille qui a tenté de noyer ses deux enfants dans la rivière des Prairies au début du mois près du parc de l'Île-de-la-Visitation, dans Ahuntsic. La mère et son enfant de 4 ans ont péri. Son bébé de 2 mois a survécu.

Si les critiques se sont montrées virulentes à l'endroit du docteur Turcotte - dépeint comme un meurtrier -, le traitement a été différent à l'endroit de cette mère de 28 ans, décrite comme une femme en détresse. «Dans le cas du père, c'est souvent perçu comme une perte de contrôle après une séparation. Pour une mère dépressive, c'est une sorte de suicide élargi, du genre: je ne peux pas abandonner mes enfants», ajoute Rose-Marie Charest.

Plusieurs drames en 2011

Outre la tragédie survenue près du parc de l'Île-de-la-Visitation, trois autres drames familiaux ont frappé le Québec depuis janvier. Le week-end dernier, trois personnes de Sainte-Florence, en Gaspésie, les grands-parents et leur petit-fils, ont été trouvées mortes (voir texte en page A9).

Autre cas, au début du mois de janvier à Saint-Jean-de-Matha, dans Lanaudière, un homme de 47 ans a été accusé d'avoir abattu ses parents malades à l'aide d'un fusil de chasse. L'individu, qui s'occupait d'eux, pourrait avoir agi par compassion, a plaidé son avocat. Selon des proches, il souffrait de dépression.

À la fin du mois de janvier, le drame s'est transporté dans la petite municipalité de Sainte-Julie, en Montérégie, où les corps sans vie d'un père de 50 ans et de son fils de 4 ans ont été retrouvés dans une résidence. Une rupture amoureuse aurait poussé ce père apparemment dévoué et engagé dans sa communauté à commettre l'irréparable. Quelques mois auparavant, Sainte-Julie avait été le théâtre d'un autre drame, lorsqu'un adolescent de 15 ans avait étranglé sa mère au terme d'une violente dispute.

À la fin du mois de mars, l'ex-conjoint de la Lavalloise Adèle Sorella, accusée d'avoir tué ses deux filles en 2009, a été forcé de témoigner lors de son enquête préliminaire.