L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) a demandé, hier, au coroner d'ouvrir une enquête sur les décès de deux aînés survenus au cours des derniers mois au Centre multivocationnel Claude-David, une «unité de transition» qui accueille une soixantaine de personnes âgées en convalescence ou en attente d'hébergement.

Depuis juillet 2010, 15 décès sont survenus dans ce centre. Deux d'entre eux sont particulièrement troublants. Le 11 mars, Bill Czerniakewycz est mort après s'être étouffé avec une bouchée de pain. Le Centre ne possédait pas le matériel nécessaire pour l'aider. Le 5 juillet 2010, Eugène Parent s'est éteint après avoir agonisé pendant toute une nuit.

Âgé de 86 ans et lucide, M. Parent séjournait au Centre multivocationnel Claude-David pour se remettre d'une opération à la hanche. Dans la nuit du 4 au 5 juillet, il a commencé à éprouver de violentes douleurs à l'abdomen. Après avoir reçu plusieurs médicaments, M. Parent avait toujours aussi mal. Il a demandé à être transporté à l'hôpital, ce qu'on lui a refusé sous prétexte de ne pas engorger inutilement les urgences. M. Parent est mort le lendemain matin.

Devant ces deux décès, l'AQDR a décidé d'alerter le coroner. Le président de l'Association, Louis Plamondon, souligne que 13 autres personnes sont mortes en quatre mois au Centre multivocationnel Claude-David. «Si on projette sur un an, on peut prévoir que 60 personnes y décéderont. C'est 100% des occupants! C'est délirant!» dit-il.

Selon la fille d'Eugène Parent, Sylvie, son père a reçu des traitements inadéquats au Centre multivocationnel Claude-David. Elle déplore que le médecin de garde n'ait jamais été appelé pour aider son père. Et que sa demande de se rendre aux urgences ait été ignorée. «Même si on avait transféré mon père aux urgences, il serait peut-être mort quand même. Mais on parle beaucoup de mourir dans la dignité actuellement. Ce n'est pas arrivé à mon père», dénonce Mme Parent.

Rapport troublant

Un rapport de la commissaire locale aux plaintes du centre de santé et de services sociaux (CSSS) du sud de Lanaudière a donné raison à Mme Parent et a confirmé que «les soins donnés n'ont pas été à la mesure des besoins» de M. Parent. Le rapport mentionne au passage que l'infirmière présente au chevet de M. Parent la nuit de son décès était une «infirmière d'agence». Mais pour la fille de la victime, cette explication ne suffit pas. «L'établissement a le devoir de s'assurer de la compétence de ses employés», dit-elle.

En épluchant le dossier de son père, Mme Parent a été particulièrement troublée de tomber sur une feuille intitulée «protocole thérapeutique», où il est écrit que son père ne voulait pas être réanimé le cas échéant et ne voulait pas être transféré aux urgences. Or, après s'être renseignée, Mme Parent a appris que son père n'avait jamais signé ce document. «Combien d'aînés hébergés ont ce genre de feuille dans leur dossier sans le savoir? Dans combien d'endroits refuse-t-on d'envoyer des personnes âgées aux urgences pour ne pas engorger le système?» demande Mme Parent.

Louis Plamondon estime que les lits de transition sont de véritables «lits de transit vers la mort» pour les aînés et il dénonce le manque de contrôle dans ces unités. Il invite les familles de personnes qui sont mortes au Centre multivocationnel Claude-David au cours des derniers mois à communiquer avec lui afin de vérifier si des procédures pourraient être intentées.