Le clan des frères Paul, connus des policiers comme des Bloods qui sèment la terreur à Montréal-Nord, sera amputé d'un de ses membres pendant quelques années.

Philistin Paul, surnommé Crazy dans le milieu des gangs de rue, a été déclaré coupable, hier, au palais de justice de Montréal, d'avoir déchargé une arme à feu dans l'intention de blesser une personne et sans se soucier de la sécurité d'autrui.

Vers 18h15, le 4 juin dernier, Philistin Paul a tiré sur Beauvoir Jean, fondateur des Master B, l'un des premiers gangs de rue de la métropole. Maintenant âgé de 45 ans et récemment devenu travailleur de rue, Beauvoir Jean tentait de raisonner deux personnes qui se disputaient à l'angle des rues Pascal et Lapierre, secteur où une émeute a éclaté deux ans plus tôt à la suite de la mort de Fredy Villanueva.

L'accusé s'est immiscé dans la conversation. Il a asséné un coup de poing au travailleur de rue, puis a reculé de quelques pas pour mieux pointer son arme vers lui. «Il a crinqué son gun vers moi et m'a dit: «Je vais te tirer.» J'ai dit: «Tu veux me tirer, ben tire»», a raconté la victime dans la déclaration qu'il a faite sous serment ce soir-là, enregistrée sur vidéo par les policiers.

Paul a alors tiré un coup de feu sans atteindre Jean. Puis, en glissant son arme dans sa ceinture, l'accusé s'est tiré une balle dans la cuisse. Il a été arrêté à l'hôpital où il a été soigné pour sa blessure. Les policiers ont trouvé une douille sur la scène du crime et un pistolet semi-automatique au canon modifié sur le balcon d'un logement situé non loin de là. L'ADN de Philistin Paul a par la suite été trouvé sur ce pistolet.

Une vingtaine de personnes se trouvaient sur les lieux, mais aucune n'a voulu collaborer avec la police à l'exception de Jean. Au moins deux personnes ont même crié à ce dernier de ne pas porter plainte alors que des policiers le mettaient à l'écart de la scène pour l'interroger.

Au procès, Beauvoir Jean a d'ailleurs changé sa version des faits en disant qu'il n'était plus certain de l'identité du tireur. Ce pouvait être l'un des frères de Philistin Paul, Jocelyn, a-t-il dit, manifestement mal à l'aise. Le juge Jean-Paul Braun, de la Cour du Québec, a retenu la version de Jean enregistrée le soir de l'événement plutôt que son témoignage en cour, rempli «d'hésitations, de contradictions, d'invraisemblances et de sous-entendus».

Philistin Paul croyait bien pouvoir sortir du palais de justice de Montréal libre comme l'air puisque le juge l'a d'abord acquitté de l'accusation la plus grave, soit celle de tentative de meurtre. Il l'a également acquitté, pour une formalité, de l'accusation de possession d'une arme à feu prohibée.

Toutefois, le magistrat a ensuite déclaré l'accusé coupable de deux infractions «incluses» dans le chef d'accusation de tentative de meurtre, soit la décharge d'arme à feu dans l'intention de blesser et sans se soucier de la sécurité d'autrui. Assis dans le box des accusés, Paul avait l'air visiblement mécontent.

Cette condamnation lui vaudra une peine minimale de quatre ou cinq ans d'emprisonnement - le juge, la Couronne et la défense n'ont pas réussi à déterminer la durée minimale de la peine prévue dans la loi. Ils régleront cette question au moment des plaidoiries sur la peine, le 8 avril.

Depuis qu'un leader du gang des Rouges, Chénier Dupuy, est en prison pour trafic de drogue, Philistin Paul cherche à asseoir son autorité comme boss du quartier, selon Beauvoir Jean.

Les frères Miguel, Grégoire, Philistin, Pierre-Antoine et Jocelyn Paul ont eu toutes sortes de démêlés avec la justice pour des incidents de violence au cours des dernières années. Ils ont souvent été acquittés, notamment en raison du désistement de témoins.