Un mois après avoir imposé une loi spéciale aux procureurs, le gouvernement essaie de réparer les pots cassés.

C'est finalement 160 nouveaux postes, et non 120, qui seront offerts aux procureurs. Parmi ces postes, 59 seront pour des employés de soutien.

Le gouvernement paiera aussi désormais le temps supplémentaire des procureurs. Enfin, l'ancien secrétaire général du gouvernement, André Dicaire, doit recommander des améliorations aux conditions de travail aux procureurs. Ces recommandations ne seront pas exécutoires.

Pour le reste, aucune augmentation salariale n'est prévue. Les procureurs soutiennent recevoir un salaire inférieur de 40% à la moyenne canadienne, un calcul qu'ils qualifient de conservateur. Dans la loi spéciale, le gouvernement leur a simplement offert une augmentation de 6% sur cinq années, soit la même augmentation consentie le printemps dernier aux autres fonctionnaires.

Les nouvelles mesures annoncées ce matin coûteront 100 millions, échelonnés sur quatre ans, calcule le gouvernement.

À titre de comparaison, le budget annuel du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) est de 80 millions. « C'est plus que substantiel», a annoncé le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, ce matin en conférence de presse avec son DPCP, Me Louis Dionne.

C'est plutôt une autre gifle pour l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (APPCP), croit son président, Me Christian Leblanc.

Il n'avait pas été invité à la conférence de presse. Il déplore qu'on discute « entre patrons » des conditions de travail des procureurs.

Le ministre Fournier s'est défendu d'avoir court-circuité les procureurs. Il voulait leur proposer quelque chose de concret. « Sinon, on aurait reçu d'autres types de quolibets », justifie-t-il.

Après avoir imposé une deuxième loi spéciale en cinq ans aux procureurs, le ministre dit « ne pas vouloir entrer dans une rhétorique de conflit». Il indique qu'il ne s'agit pas de « négociations », mais plutôt d'une « reprise du dialogue ».

Bénévolat dénoncé

Me Leblanc estime particulièrement ironique que le gouvernement se vante de vouloir maintenant respecter la loi en payant le temps supplémentaire de ses procureurs. En fait, certains pourraient devoir faire du bénévolat. Plus de la moitié d'entre eux (250 sur 450) feront une semaine de 35 heures, mais ne seront payés en temps supplémentaire qu'à partir de la 41e heure de travail. Entre la 35e et la 41e heure, ils ne seront même pas payés en temps régulier.

L'année dernière, Me Leblanc écrivait au DPCP pour lui demander sa position sur le paiement des heures supplémentaires. Il n'a jamais reçu de réponse.

L'APPCP veut déjà faire invalider la loi spéciale. Elle indique qu'elle s'adressera aussi aux tribunaux si le gouvernement refuse de payer les heures de travail de ses procureurs.

Après l'adoption de la loi spéciale, la majorité des quelque 49 procureurs-cadres du Québec avaient aussi demandé à être réaffectés, et devenir ainsi de simples procureurs. Le DPCP avait refusé. Il a indiqué hier que les cadres ont abandonné cette demande. Trois d'entre eux ont quitté leur fonction, mais ce départ était déjà prévu avant le conflit, assure-t-il.

À la suite de la demande de réaffectation des cadres, l'APPCP avait demandé la démission de Me Dionne. Elle déplorait son mutisme durant le conflit. On remettait aussi en question l'indépendance de Me Dionne, un ancien sous-ministre du gouvernement Charest. Il avait été nommé DPCP par le conseil exécutif, et non pas l'Assemblée nationale.

Me Leblanc ne demande plus la démission de Me Dionne, mais il continue de remettre en question son indépendance. Tout comme il remet en question l'impartialité du rapport demandé à André Dicaire, qui a déjà été le premier fonctionnaire du gouvernement Charest. « C'est comme si on demandait aux compagnies pétrolières de décider des normes environnementales, lance-t-il. On va croire au processus quand il sera conduit par quelqu'un d'indépendant. »

Unité cherche procureurs

Avec son annonce, le gouvernement essaie de se sortir d'une situation fâcheuse. À la suite de demandes répétées pour une enquête publique sur l'industrie de la construction, le gouvernement avait répondu en créant une unité permanente anticorruption (UPAC), annoncée en grande pompe cet hiver.

Or, pour dénoncer leur traitement, les procureurs se sont engagés par écrit à ne pas appliquer aux quelque 20 postes au sein de l'UPAC. Il s'agit d'une initiative personnelle, et non d'un mot d'ordre de leur association. « Ça rend la démarche encore plus forte symboliquement.» Il pense que le boycott continuera, malgré l'annonce du gouvernement.

Quant au DPCP, il espère pouvoir embaucher les procureurs de l'UPAC à partir de juin.