Plus de trois ans après avoir été expulsé de la Chambre haute, le sénateur Raymond Lavigne a été reconnu coupable, vendredivendredi, de fraude et d'abus de confiance, en cour supérieure de l'Ontario.

Dans une décision très attendue qui vient clore un feuilleton qui dure depuis des années, le juge Robert Smith a conclu que M. Lavigne avait détourné des fonds publics en se faisant rembourser, dans le cadre de ses fonctions, des frais de déplacement qu'il n'avait pas engagés.

La fraude s'élève à plus de 10 000$. Son auteur est passible d'une peine maximale de 14 ans de prison.

Le juge Smith a aussi estimé que le sénateur s'était rendu coupable d'abus de confiance en exigeant de l'un de ses employés qu'il abatte des arbres sur sa propriété personnelle, à Wakefield, alors que l'adjoint en question était rémunéré par le Sénat.

Le juge a considéré qu'il s'agissait d'un «écart grave» par rapport à la conduite attendue d'un sénateur. Ce crime est punissable d'une peine maximale de cinq ans de pénitencier.

M. Lavigne a toutefois été acquitté de l'accusation d'entrave à la justice.

Toujours salarié

Élu député libéral de Verdun, à Montréal, en 1993, puis nommé à la Chambre haute en 2002, le sénateur Lavigne a été exclu du caucus libéral en 2006, puis expulsé du Sénat en 2007, lorsqu'il a été accusé.

Mais en vertu des règles du Sénat, il a continué de toucher son salaire annuel, de plus de 132 000$, en plus des frais de bureau, de repas et de déplacement.

Ce n'est que s'il est condamné à plus de deux ans de détention que son siège de sénateur deviendra vacant. Les avocats de la défense et de la poursuite ont convenu que l'audience pour la détermination de la peine se déroulerait le 10 mai.

Le sénateur Lavigne a refusé de répondre aux questions des médias. «Nous évaluons très sérieusement la possibilité d'interjeter en appel», s'est contenté d'indiquer son avocat, Dominique Saint-Laurent, à sa sortie de la salle d'audience.

L'enquêteur principal de la GRC dans le dossier, Stéphane Bonin, s'est quant à lui réjoui du verdict de culpabilité pour deux des trois chefs d'accusation.

«Ce jugement envoie le message clair que personne n'est au-dessus des lois», a dit M. Bonin.

Droits suspendus

En après-midi, le comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l'administration a annoncé par communiqué qu'il suspendait immédiatement le budget de recherche et les indemnités de déplacement et de télécommunications auxquels le sénateur Lavigne avait droit.

«Le sénateur n'a plus le droit d'utiliser les ressources du Sénat qui étaient mises à sa disposition pour l'exécution de ses fonctions parlementaires», dit le communiqué.

La Loi sur le Parlement du Canada confère au comité le «pouvoir de traiter des situations d'urgence». Le salaire n'est toutefois pas touché par la mesure actuelle, mais la question pourrait être étudiée à la reprise des travaux parlementaires, le 21 mars.

Militant de longue date pour l'abolition du Sénat, le député néo-démocrate Pat Martin a jugé que la condamnation était une «bonne nouvelle pour les Canadiens», mais qu'il était inacceptable que M. Lavigne ait pu continuer de recevoir son salaire et de profiter des autres avantages financiers liés à sa fonction alors qu'il était absent du Sénat.

«Si ça ne dépendant que de moi, ce serait 1 de parti, 104 à mettre à la porte», a conclu le coloré député du NPD.