Brandissant drapeaux et pancartes, une centaine de pompiers ont manifesté devant le palais de justice de Montréal, hier matin, en appui à un collègue qui a été congédié pour vol de temps.

Ce collègue, Stéphane Courtemanche, comparaissait en Cour supérieure, hier, dans l'espoir de faire annuler son congédiement, confirmé par un arbitre en mai dernier. Avec un autre pompier, Stéphane Welsh, il s'est fait prendre en juillet 2007 à travailler dans l'entreprise de portes et fenêtres qu'ils possèdent, Welsh Courtemanche et Fils, alors qu'ils étaient tous deux en congé de maladie rétribué.

M. Courtemanche recevait des prestations d'invalidité depuis quatre mois pour un mal de genou, et M. Welsh en recevait depuis quelques jours pour un mal de tête. La Ville de Montréal, qui luttait contre un fort taux d'absentéisme chez les pompiers, les a congédiés en 2007. Les deux ont fait un grief.

Les deux causes ont été débattues devant des arbitres différents. En mai 2009, le congédiement de M. Welsh a été remplacé par une suspension d'un an, tandis que celui de M. Courtemanche a été maintenu, en mai 2010. Après une audience qui s'est échelonnée sur 11 jours, l'arbitre, Me Harvey Frumkin, avait évalué que la faute de M. Courtemanche était plus grave que celle de M. Welsh parce qu'il était allé beaucoup plus loin pour prolonger son congé.

M. Courtemanche, qui comptait plus de 15 ans d'ancienneté comme pompier, s'était présenté chez un médecin généraliste le 8 mars 2007, apparemment pour une blessure au genou qu'il s'était faite la veille en jouant au hockey. Il s'était blessé de façon semblable en 1986, mais cette vieille blessure était apparemment guérie.

Le médecin, le Dr Alain Bergeron, a diagnostiqué une entorse du ligament latéral interne, a prescrit des anti-inflammatoires, a signé un arrêt de travail de durée indéterminée et a recommandé au patient de voir un orthopédiste et de passer une radiographie. Vers la fin du mois de mars, M. Courtemanche a passé un test de résonance magnétique et a vu un autre médecin, le Dr Normand Taillefer, qui aurait recommandé un retour au travail deux semaines plus tard. Ce rapport ne se serait pas rendu jusqu'au Dr Bergeron, qui a signé des prolongements de congé, de mois en mois, jusqu'au mois d'août. M. Courtemanche se plaignait apparemment de son genou.

Des films révélateurs

Mais en juillet 2007, M. Courtemanche a été filmé trois fois en train de travailler à la pose de portes et de fenêtres, avec son collègue et partenaire Stéphane Welsh. C'est d'ailleurs M. Welsh qui était visé au départ par l'enquête de l'employeur, en raison de son absentéisme. M. Welsh avait quitté le poste le 29 juin, trois heures avant la fin de son quart de travail, parce qu'il disait souffrir de maux de tête. Il a obtenu un certificat médical qui l'autorisait à s'absenter du travail jusqu'au 23 juillet pour «céphalée mixte incapacitante et trouble de la concentration». L'enquête, vidéo à l'appui pour les 5, 9 et 11 juillet, a montré que les deux hommes s'activaient beaucoup pour des gens trop malades pour travailler. M. Courtemanche, qui portait ses outils à la ceinture, se déplaçait sans problème, tantôt sous un balcon, tantôt au deuxième étage d'un bâtiment.

L'Association des pompiers de Montréal avait réquisitionné des membres pour venir manifester devant le palais de justice, hier. Le président de l'Association, Perry Bisson, trouve que l'employeur respecte de moins en moins la «gradation des sanctions». Le congédiement est une sanction démesurée pour M. Courtemanche, qui avait un dossier disciplinaire sans tache, estime l'Association.

Hier, devant la Cour supérieure, l'avocate de l'Association, Me Céline Allaire, a tenté de démontrer que l'arbitre avait mal évalué la preuve et que le congédiement était de fait abusif. Me Jean Rochette, qui représente la Ville de Montréal, s'est employé à convaincre la juge du contraire. La juge Sophie Picard a mis la cause en délibéré.