Au terme d'un court délibéré, la Cour d'appel a ordonné mercredi la récusation du juge Claude Larouche dans le procès en diffamation que Pierre Karl Péladeau a intenté contre Sylvain Lafrance, de Radio-Canada.



Le dossier est renvoyé au juge en chef de la Cour supérieure, qui désignera un autre juge pour entendre l'affaire.

Dans cette décision unanime, les juges Michel Robert, Marie-France Bich et Jacques Dufresne concluent que le juge Larouche doit se retirer en raison d'une apparence de partialité qui peut laisser croire à de «l'antipathie réelle» à l'égard de M.Péladeau. Ils relèvent deux incidents à l'appui de cette thèse, soit les termes qu'a employés le juge Larouche lorsque, pendant le procès, il a montré les revues L'actualité et La Semaine dont M.Péladeau faisait la une, et les propos qu'il a tenus après avoir refusé d'accorder une remise à Me James Woods, avocat de M.Péladeau, pour les funérailles de sa soeur. Le juge Larouche a soutenu qu'il avait été «presque harcelé» par les avocats qui voulaient le faire revenir sur sa décision.

«La preuve en appel ne révèle pas le moindre harcèlement. On peut peut-être trouver inusité qu'un avocat insiste pour obtenir un report qui vient de lui être refusé, mais d'un autre côté, les circonstances sont telles qu'on peut trouver tout aussi inusitée la décision du juge refusant le report de l'audience. En aucun cas ne peut-on parler ici de harcèlement, et encore moins en faire grief à l'avocat des appelants», peut-on lire dans la décision.

Par ailleurs, après que les avocats de M.Péladeau eurent demandé sa récusation, le juge Larouche avait lancé: «Les demandeurs ne tolèrent pas d'être contrariés par le tribunal dans la conduite de leur dossier, ce qui les perturbe. Ils veulent apparemment écarter le président du tribunal par tous les moyens possibles parce qu'ils le trouvent gênant.»

«L'absence de sérénité dont le juge fait montre et ce qu'il faut bien appeler sa véhémence justifient cette crainte (de partialité). Le climat est miné et l'on voit mal comment le procès pourrait s'achever devant le même juge», écrit la Cour d'appel.

Pas un motif de récusation

Le procès durait depuis 12 jours et il était sur le point de se terminer lorsque, en novembre dernier, la demande de récusation a été faite. Le juge Larouche s'y étant refusé, Me Woods a porté la cause en appel et il a avancé d'autres arguments au soutien de ce pourvoi. La Cour d'appel estime que, en effet, le juge Larouche s'est adressé aux témoins de manière «inutilement sèche» et que ses propos ont pu être «désagréables et maladroits», mais elle précise que cela n'est pas un motif de récusation. «Sans être des vertus, la brusquerie, l'acariâtreté ou la causticité en elles-mêmes ne sont pas des motifs de récusation (d'autant moins que l'autre partie n'y a pas échappé)», lit-on dans la décision.

«Voyou»

Rappelons que, dans cette affaire, M.Péladeau accuse Sylvain Lafrance, qui dirige les services français de Radio-Canada, de l'avoir diffamé en le traitant de «voyou», au début de 2007. M. Lafrance avait tenu ces propos après que M. Péladeau eut annoncé qu'il suspendait ses contributions au Fonds canadien de télévision. M. Péladeau réclame 700 000$ en dommages-intérêts.

Signalons enfin que les modalités du second procès restent à déterminer. Il pourrait reprendre du début, mais il pourrait aussi reprendre à partir des plaidoiries puisque les deux parties avaient déclaré leur preuve close.

Ce sera à la Cour supérieure de décider, car la Cour d'appel n'a pas voulu s'immiscer dans cet aspect du dossier.