Pour conserver son emprise sur une adolescente qu'il faisait travailler comme prostituée, Wodson Derisca l'inondait de textos. Les techniques d'intimidation du proxénète se retournent aujourd'hui contre lui.

L'homme de 30 ans a été reconnu coupable, hier, de proxénétisme, d'agression sexuelle, de menaces de mort et de possession d'une arme à feu prohibée, au palais de justice de Montréal.

Le juge Gilles Cadieux de la Cour du Québec a lu quelques-uns des messages texte au moment du verdict: «Tu voulais être ma bitch. Moi, je suis ton pimp. Ça va rester comme ça.» Ou encore: «Arrange-toi pour faire du bread (de l'argent, NDLR).»

La victime a rencontré le proxénète, qui se faisait appeler Alan, alors qu'elle avait 16 ans. Elle a vécu une courte lune de miel. Pendant quelques semaines, il lui a payé une chambre de motel et des repas sans rien lui demander en retour. Puis il l'a convaincue de danser nue dans un bar pour rembourser sa dette.

L'adolescente s'est retrouvée au bar Sweet Dreams, non loin de la petite municipalité de Huntingdon, où elle devait avoir des relations sexuelles avec les clients. Ses revenus (1000$ par jour) allaient dans les poches du proxénète.

De l'automne 2008 au mois de mars 2009, elle a surtout travaillé au bar Le Faucon bleu, à Beauharnois, en plus de recevoir des clients dans des motels de Montréal et dans un logement loué par le proxénète.

Au procès, le propriétaire du Faucon bleu, René Thibert, a témoigné de l'autorité qu'exerçait Derisca sur l'adolescente. C'est lui qui se chargeait de l'horaire de travail et du transport de la jeune fille. Elle lui remettait l'essentiel de ses revenus, mais sa dette envers lui grimpait sans cesse - elle est passée de 4000$ à 36 000$ au fil des mois. Derisca n'hésitait pas à la frapper lorsqu'elle ne rapportait pas suffisamment d'argent.

Textos abondants

La police a saisi quelque 140 pages de textos dans lesquels il est notamment question de cette dette. Lorsque l'adolescente lui a fait comprendre qu'elle en avait assez de cette vie d'esclave sexuelle, Derisca l'a menacée de la tuer et de tuer ses parents.

Au cours du procès de deux semaines, l'accusé, défendu par Me Clément Monterosso, a soutenu qu'il ignorait que la victime était mineure. Il a juré qu'il avait tenté de la dissuader de se prostituer. Il voulait la convaincre de se recycler dans la vente de stupéfiants. Il a également nié être le propriétaire du revolver saisi chez lui.

Le juge Cadieux n'a pas cru l'essentiel de son témoignage. Il l'a toutefois acquitté de deux chefs de séquestration et d'avoir incité une mineure à se prostituer parce qu'il n'était pas convaincu hors de tout doute raisonnable que la victime avait commencé à se prostituer sous les ordres de Derisca.

Tiré à quatre épingles, l'accusé n'a pas bronché au moment du prononcé du verdict. Il doit retourner devant le tribunal le 24 mars. Il est passible d'une peine minimale de cinq ans de prison. Aux yeux du procureur de la Couronne, Me Jean-Denis Gerols, il ne fait aucun doute que Derisca est un «proxénète professionnel».