Plus de 150 procureurs de la Couronne ont manifesté en silence, en début d'après-midi, mardi, dans la salle des pas perdus du palais de justice de Montréal, pour marquer la première journée de la première grève légale de leur histoire.



Insatisfaits des offres du Conseil du Trésor, les 450 procureurs de la Couronne du Québec de même que les 1000 juristes de l'État ont déclenché cette grève à 0h01 mardi, ce qui a pour effet de paralyser une bonne partie des affaires judiciaires et juridiques. Ils réclament des augmentations de salaire d'environ 40% sur la foi d'un rapport de l'Institut de la statistique daté de 2002, qui comparait les salaires des procureurs de la Couronne des différentes provinces.

Les dernières offres du gouvernement tournent autour de 10 ou 12%, ce que les procureurs jugent inacceptable. «Le rattrapage salarial de 40% pourrait être étalé sur quelques années», suggère Julie-Maude Greffe, secrétaire de l'Association des procureurs de la Couronne du Québec. Par ailleurs, les procureurs ne sont pas très réceptifs aux arguments de l'État, qui soutient qu'il n'est pas en mesure de leur accorder une telle augmentation. «La capacité de payer de l'État est une notion bien élastique. Quand on décide de faire la Commission Bastarache à 6 millions de dollars, c'est un choix politique. Quand on décide de ne pas faire d'enquête sur la construction et qu'on accepte de payer plus cher les contrats, c'est un choix politique.» Le fond de grève des procureurs serait suffisamment bien garni pour tenir longtemps, selon l'avocate.

Services essentiels

Certains couloirs du palais de justice de Montréal, habituellement bondés le matin, étaient bien calmes mardi. Les affaires, pour lesquelles les accusés sont en liberté, sont systématiquement remises. Les services essentiels assurent l'introduction et la continuation des causes de personnes détenues, les procès avec jury quand celui-ci est déjà sélectionné (il n'y en a qu'un seul à Montréal actuellement, celui des coaccusés de Vincent Lacroix). On assure aussi l'examen et la décision d'une plainte pénale si elle est à un mois de la prescription.

Cinq procureurs, sur la centaine que compte le palais de justice de Montréal, sont affectés chaque jour au maintien des services essentiels. Des procureurs en chef (cadres) viennent leur prêter main-forte, notamment pour les demandes de remise.

Rappelons que le salaire des procureurs de la Couronne oscille entre 42 000 et 100 000$. À titre d'exemple, une procureure rencontrée mardi, qui a sept ans d'expérience, dit gagner 72 000$. Un autre qui en compte trois et demi gagne 56 600$. Telle autre, avec deux ans d'expérience, empoche 49 000$. Selon eux, il faut environ 15 ans pour arriver en haut de l'échelle. Mais aucun d'entre eux ne voudrait aller à la défense, du moins pas à court terme. Question de philosophie et d'intérêt personnel, mais aussi de stabilité. «Ce n'est pas facile de monter une clientèle en défense. C'est sûr que, à la Couronne, il y a un peu plus de stabilité au début», a dit l'une des avocates interrogées.