Les activités des tribunaux seront pratiquement paralysées à compter d'aujourd'hui. Les 450 procureurs de la Couronne du Québec et les 1000 avocats et notaires à l'emploi du gouvernement ont déclenché la grève hier soir, insatisfaits des dernières offres du Conseil du Trésor.

«Ça suffit!» a déclaré hier le président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales du Québec (APPCP), Christian Leblanc. «Nous sommes à la table depuis cet automne avec des négociateurs du Trésor qui n'ont pas les mandats pour régler les problèmes. On a assez perdu notre temps... À moins que le premier ministre me réveille dans mon sommeil avec des offres acceptables, nous serons en grève demain (aujourd'hui).»

«Nous voulions discuter de solutions et éviter une grève, mais, à 18h30, l'employeur a unilatéralement mis fin à nos échanges», a ajouté le président de l'Association des juristes de l'État, Marc Lajoie.

Les négociations entre le gouvernement et les deux syndicats achoppent principalement sur la question salariale. L'échelle de rémunération des procureurs et juristes de l'État québécois est actuellement de 44 000$ à 100 000$ par année. Les plaignants demandent que les salaires soient ajustés à la moyenne canadienne, qui serait de 35% à 40% supérieure. Déjà, en 2002, une étude réalisée par l'Institut de la statistique du Québec avait conclu que l'écart entre les salaires versés au Québec et la moyenne canadienne était d'un peu plus de 32%.

«Nous sommes un peu comme le plus gros cabinet d'avocats criminalistes au Québec et, comme tout cabinet d'avocats, on veut recruter les meilleurs éléments, a expliqué Me Leblanc. On veut avoir la capacité d'être sélectifs. Ce n'est plus le cas.»

La présidente du Conseil du Trésor, Michèle Courchesne, a déclaré hier que les procureurs et les juristes devaient revoir leurs exigences à la baisse. «Il est évident qu'en toute équité pour l'ensemble des employés de l'État et dans la capacité de payer des contribuables, on ne pourra pas atteindre ce 40%», a-t-elle déclaré lors d'un point de presse à Québec.

À son avis, le déclenchement d'une grève est prématuré. «Ce que je ne sens pas, c'est une volonté de négocier. Je sens une volonté d'exercer un droit de grève, ce que je déplore parce que nous n'avons pas fermé la porte à cette situation difficile qu'ils vivent.»

En matière de rémunération, la ministre affirme que l'offre du gouvernement reflète l'entente conclue en juin avec les 500 000 employés de la fonction publique, soit des hausses salariales de 6% en cinq ans plus jusqu'à 3,5% si la hausse du PIB est plus élevée que prévu. La ministre laisse entendre que d'autres bonifications liées à la spécificité du travail de procureur de la Couronne ont été proposées, sans toutefois chiffrer ses offres.

L'APPCP réclame par ailleurs le recrutement de 200 procureurs de la Couronne supplémentaires. Dans sa dernière offre, le gouvernement aurait consenti à en embaucher 60, a dit Me Leblanc. «En ce moment, la surcharge de travail est telle que les gens s'épuisent et tombent malades. Nous sommes le quart d'emploi dans la fonction publique qui présente le plus haut taux de congés de maladie liés au travail.»

Conséquences d'une grève

Une entente conclue devant le Conseil des services essentiels prévoit qu'en cas de grève, 50 procureurs de la Couronne seront désignés quotidiennement par l'employeur pour maintenir certaines procédures judiciaires. Les comparutions, les enquêtes sur mise en liberté, les enquêtes préliminaires, les dossiers remis, les procès devant jury qui ont déjà commencé et l'audition des dossiers dont la date de prescription survient dans les 30 jours suivants ne seront pas touchés par le mouvement.

Environ 1000 avocats et notaires travaillent dans différents ministères et organismes gouvernementaux. Hier soir, le Conseil des services essentiels a notamment décidé que les avocats affectés aux travaux de l'Assemblée nationale devront poursuivre le travail. Des juristes affectés à des procédures urgentes dans un ou plusieurs ministères seront également obligés de se présenter devant le tribunal. Selon l'analyse de Me Lajoie, plus de 80% des juristes de l'État pourront débrayer.

Deux manifestations sont prévues aujourd'hui, l'une devant le parlement, à Québec, et l'autre devant le palais de justice de Montréal.

Avec la collaboration de Paul Journet