Dans un jugement rendu cette semaine, la Cour fédérale a rejeté une nouvelle demande de passeport présentée par Fateh Kamel, ancien chef d'un réseau terroriste lié à Al-Qaïda.

Kamel, qui vit à Montréal, a la citoyenneté canadienne depuis 1993 et est l'un des rares Canadiens à se voir refuser un passeport. Il a été arrêté en 1999 en Jordanie puis extradé en France, où il a été emprisonné pour activités terroristes.

Depuis qu'il est rentré au Canada, en 2005, Kamel, 50 ans, essaie d'obtenir un passeport canadien afin de pouvoir voyager à sa guise. Les autorités de Passeport Canada refusent de lui en délivrer un pour des raisons de sécurité nationale. Kamel a déjà perdu une série de recours judiciaires, mais il est revenu à la charge.

En décembre 2009, il a fait une «demande de contrôle judiciaire» à la Cour fédérale. Il demandait au tribunal de déclarer que Passeport Canada avait porté atteinte à ses droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. «En l'espèce, la demande de contrôle judiciaire sous-jacente du demandeur cherche à obtenir une ordonnance enjoignant à Passeport Canada de lui délivrer un passeport», souligne le juge Yvon Pinard dans la décision rendue lundi dernier.

«Cette demande m'apparaît clairement être devenue inappropriée et inutile aux fins d'une saine administration de la justice, poursuit le juge Pinard. Elle est maintenant dénuée de toute chance de succès et doit donc être rejetée.»

Cellule du djihad

Kamel est né en Algérie en 1960 et s'est installé au Canada en 1987. Il a épousé une Québécoise avec qui il a eu un enfant, et il a dirigé la boutique d'artisanat Nord-Sud, boulevard Saint-Laurent. Pendant son séjour à Montréal, il a dirigé une cellule du djihad. Ahmed Ressam, qui allait être arrêté au tournant de l'an 2000 à la frontière de la Colombie-Britannique et de l'État de Washington avec des explosifs dans le coffre de sa voiture, faisait partie de son réseau. La cellule comprenait aussi des militants comme Saïd Atmani et Mourad Ikhlef.

Kamel voyageait énormément: Bosnie, Slovénie, Autriche, Hollande, Italie, Turquie, Syrie, Arabie Saoudite, Jordanie. «À l'intérieur du réseau extrémiste islamiste international, Kamel était associé de près au recrutement de volontaires», selon le Service canadien du renseignement de sécurité. Il a noué des liens avec Abou Zoubeida, proche collaborateur d'Oussama ben Laden. Vers le milieu des années 90, il a joué un rôle central dans la vague d'attentats terroristes qui a déferlé sur la France, notamment dans un complot pour commettre des attentats à la bombe dans le métro de Paris et à Roubaix, dans le nord de la France.

Après son arrestation en Jordanie, il a été jugé par le tribunal de grande instance de Paris et déclaré coupable notamment de complicité dans la falsification de trois passeports qu'il avait apportés du Canada. Le tribunal a décrit Kamel comme «le principal animateur des réseaux internationaux déterminé à préparer des attentats et à procurer des armes et des passeports à des terroristes agissant partout dans le monde». Une vingtaine d'accusés ont subi leur procès en même temps que lui. Il a été condamné à huit ans d'emprisonnement, la peine la plus lourde, et a été libéré après en avoir purgé la moitié.

Retour à Montréal

Il est revenu à Montréal en janvier 2005 avec un passeport canadien provisoire, valable pour un seul voyage et délivré exceptionnellement pour lui permettre de rentrer au pays. Six mois plus tard, il a demandé un nouveau passeport aux autorités canadiennes. Il projetait alors un voyage d'affaires en Thaïlande. Selon un jugement, il s'agit d'un «pays où le trafic de passeports est intense».

À la demande de Kamel, le juge Simon Noël, de la Cour fédérale de Montréal, a déclaré invalide un article d'un décret qui permet à Passeport Canada de refuser de délivrer un passeport à un citoyen canadien. La Cour d'appel a cassé cette décision. Elle a reconnu que cet article «porte atteinte au droit d'un citoyen canadien d'entrer au Canada ou d'en sortir» mais a conclu que «cette atteinte est justifiée aux termes de l'article premier de la charte». L'article premier de la Charte canadienne dit que les droits et libertés peuvent être restreints «dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique». La Cour fédérale vient de décider que tout nouveau recours de Kamel serait futile.