Predrag Perisic aurait d'abord tiré sur son fils de 10 ans, Deyan. Danyela, 12 ans, a juste eu le temps de se coucher en boule sur le plancher avant de subir le même sort.



«Les médecins disent que si elle ne s'était pas protégée de la sorte, elle serait morte elle aussi. Elle a reçu huit coups de feu, qui ont tous atteint le côté droit de son corps», raconte Vicky Pololos, la cousine des deux petits Montréalais victimes de la folie meurtrière de leur père lundi à Coldspring, près de Houston au Texas.

Deyan est mort. Danyela est à l'hôpital Memorial Hermann de Houston. Elle a subi deux opérations, dont l'une pour reconstruire son bras droit. D'autres interventions sont prévues dans les prochains jours. Sa mère, Vera Vucerakovich, a pris le premier vol de Montréal vers Houston lundi soir pour être à ses côtés.



«Danyela est consciente. Elle n'a rien oublié de ce qu'elle a vécu», selon sa cousine de 23 ans qui est en contact régulier avec la mère depuis le drame.

Vera Vucerakovich et Predrag Perisic vivaient une relation orageuse depuis plusieurs années. Au cours des derniers mois, ils se sont entredéchirés en cour pour la garde des enfants. Le père de 56 ans a refusé d'obéir à une récente décision de la Cour supérieure du Québec de rendre les enfants à la mère. Il s'est caché avec les petits dans la résidence d'un ami à Coldspring, près de Houston.

Lorsque les policiers sont entrés dans la maison lundi pour le sommer d'obéir à l'ordre de la cour, ils ont entendu des coups de feu au deuxième étage. Ils ont trouvé les deux enfants blessés. Le père a été placé en détention, puis accusé d'avoir tué son fils et tenté de tuer sa fille, selon la police de San Jacinto. Le cautionnement pour ce crime est établi à 1 million.

Comment deux enfants qui, il y a quelques mois à peine, étaient en quatrième et sixième année du primaire à l'école Gardenview de Saint-Laurent, ont-ils pu subir un tel sort au Texas? La Presse a consulté plusieurs décisions judiciaires rendues dans ce dossier depuis avril dernier pour y voir clair.



En janvier 2007, Predrag Perisic est parti vivre chez son frère jumeau, Nenad, à La Porte, au Texas. Il a une formation d'ingénieur dans la marine, mais il n'arrive pas à trouver d'emploi au Québec puisqu'il ne parle pas français. Son couple bat de l'aile. Sa femme et ses enfants vont lui rendre visite deux fois par année durant les vacances scolaires. En août 2009, dans une ultime tentative de réconciliation, Vera Vucerakovich déménage là-bas avec les deux enfants. Ils y resteront quelques mois à peine.

«Il y avait un climat de violence physique et verbale à la maison. Les enfants étaient témoins de tout ça. Le frère de Predrag était particulièrement agressif envers Vera», explique l'avocat de la mère, Me Jonathan Shulak.

Le 1er janvier dernier, escortés par la police locale, Vera et ses deux enfants quittent la maison du beau-frère pour atterrir dans un hôtel. Sans argent. Sans statut aux États-Unis. Elle demande alors aux enfants ce qu'ils veulent. La réponse ne tarde pas: retourner vivre à Montréal. Ils rentrent au pays le lendemain. Le père en est averti seulement lorsque les enfants sont de retour à la maison familiale de Saint-Laurent.

En vertu de la convention de La Haye, cela constitue un enlèvement. En avril dernier, les deux parents se sont retrouvés devant la juge Hélène Lebel de la Cour supérieure pour trancher cette question.

«Les enfants, par l'entremise de leur avocat, ont clairement exprimé qu'ils voulaient vivre au Québec et ne pas retourner au Texas. Les parents sont encore mariés. L'enjeu est de déterminer si les États-Unis étaient, en janvier 2010, le lieu de résidence des enfants», écrit d'entrée de jeu la juge Lebel dans sa décision de 11 pages. Par le truchement de leurs avocats respectifs, la mère disait que non, le père arguait le contraire.

La cour est placée dans une position délicate entre deux parents qui aiment sans aucun doute leurs enfants, mais qui ne voient pas les choses de la même façon, poursuit la magistrate qui ordonnera finalement que le débat sur la garde des enfants se tienne au Texas.

«L'État du Texas est un environnement civilisé. Les enfants seront entre les mains d'un système judiciaire qui peut gérer ces enjeux», souligne la juge. De plus, la magistrate estime que Predrag Perisic est un «bon père», «peut-être pas le meilleur au monde, mais ce n'est pas un critère», écrit-elle. Aucune plainte criminelle n'a été déposée contre lui. Lorsque la mère est soûle, c'est souvent elle qui déclenche les disputes, retient la juge.

Danyela et Deyan sont trop jeunes pour comprendre la tenue des débats judiciaires. La fillette a même menti pour protéger sa mère lorsqu'elle a témoigné en cour, note la juge. Les enfants ne sont pas victimes de violence ni d'abus, conclut-elle. La juge ordonne ainsi aux enfants de retourner immédiatement au Texas.

Le père doit toutefois entreprendre des démarches pour obtenir la garde devant les tribunaux américains. En juillet dernier, une autre juge de la Cour supérieure du Québec, Marie-Christine Laberge, a conclu que le père n'avait pas rempli ses engagements pris quelques mois plus tôt. Le 26 octobre dernier, la même juge accorde la garde des enfants à la mère. Le tribunal lui permet d'aller chercher ses enfants au Texas.

Or, les enfants sont introuvables. La mère demande alors aux autorités de déclencher l'alerte Amber. Elle prend contact avec le FBI. Elle essuie refus après refus. «Comme c'est le père qui a disparu avec les enfants, le FBI ne voulait pas s'en charger. Ce n'était pas considéré comme un enlèvement, mais comme une entrave à une décision de cour (garde légale). Personne n'a pris les craintes de la mère au sérieux», déplore son avocat, Me Shulak.

«Comment se fait-il que les tribunaux n'écoutent pas plus ce que les enfants ont à dire? Ce ne sont pas des colis que l'on peut retourner à leur expéditeur, au Texas ou ailleurs», conclut l'avocat spécialisé en droit de la famille.

Quelques jours avant le drame, le père aurait appelé un prêtre montréalais de l'église orthodoxe qu'il avait jadis fréquentée pour lui faire part de ses plans, selon nos sources. Il lui aurait dit qu'il allait enlever la vie à ses enfants et se tuer si ces derniers devaient retourner chez leur mère. C'est cet appel qui aurait permis aux policiers de retracer le père à Coldspring.

Aujourd'hui, Deyan, 10 ans, un amoureux du soccer qui participait au camp d'été de l'Impact chaque année n'est plus de ce monde. Et Danyela se fait reconstruire un bras dans un hôpital de Houston.

Predrag Perisic