Un homme d'affaires proche du clan mafieux des Rizzuto, Guy Marc-Aurèle, comparaîtra lundi au tribunal pour répondre à des accusations criminelles de fraude fiscale. L'une d'elles porte sur de fausses factures d'entretien de l'édifice d'Environnement Canada à Gatineau. M. Marc-Aurèle était propriétaire de cet immeuble, appelé Place Vincent-Massey.

Il a vendu l'édifice de 21 étages à des associés une semaine avant la rafle antimafia de novembre 2006, menée par les enquêteurs de l'opération Colisée. L'immeuble a été cédé pour la somme symbolique de 1$. En contrepartie, les nouveaux propriétaires assumaient l'hypothèque et les dettes de la principale société de M. Marc-Aurèle, les Entreprises Duroc.

L'accusation se lit ainsi: «Entre le 1er octobre 2003 et le 2 avril 2007, Guy Marc-Aurèle a volontairement éludé un paiement d'impôt de 91 598$ dû par les Entreprises Duroc pour les exercices 2004, 2005 et 2006 en réclamant faussement une somme de 408 788$ comme dépenses d'entretien ménager pour l'immeuble à bureaux Place Vincent-Massey.»

Enregistrements

Les enquêteurs de l'opération Colisée ont enregistré plusieurs conversations entre Marc-Aurèle et des membres du clan Rizzuto. Le 16 août 2003, l'homme d'affaires a parlé avec Vito Rizzuto, le chef du clan, d'une entreprise d'entretien ménager appelée Magic Broom. Selon un mandat de perquisition, les Entreprises Duroc utilisaient de fausses factures d'entretien ménager de la Place Vincent-Massey pour présenter des dépenses déductibles des revenus à l'Agence du revenu du Canada.

«J'ai eu un grand jour avec Duroc, annonce Marc-Aurèle.

- Comment ça s'est passé avec l'autre compagnie? demande Rizzuto.

- Ça va très bien avec Magic Broom. Les ajustements seront faits d'ici le 27 août.»

Une semaine plus tard, M. Marc-Aurèle rappelle Vito Rizzuto.

«Magic Broom et tout ça nous revient, dit-il.

- Merveilleux! C'est du beau travail», conclut Rizzuto.

Le 4 septembre, nouvel appel. «Je t'ai écouté pour Duroc, dit Marc-Aurèle à Vito Rizzuto. Je vais prendre 50%... Je te tiens au courant.» Un mois plus tard, Rizzuto s'informe de nouveau à propos de Magic Broom. Marc-Aurèle le rassure en lui disant qu'un chèque va bientôt entrer.

Le 8 septembre 2005, Marc-Aurèle téléphone au fils de Vito, Nicolo Rizzuto. Duroc est menacée de faillite, mais Marc-Aurèle lui annonce que l'entreprise est sauvée. «C'est fantastique, répond Nicolo Rizzuto. Quand est-ce qu'on célèbre ça?»

Voitures de luxe

D'autres conversations portent sur des voitures de luxe. M. Marc-Aurèle informe un de ses interlocuteurs qu'il a pris sa Mercedes dans un grand édifice commercial lui appartenant, au 425, boulevard Marien, à Montréal-Est.

«Quelle Mercedes? lui demande son interlocuteur.

- Ben, celle que j'avais achetée à Vito (Rizzuto), répond Marc-Aurèle. Ça fait un an qu'elle était dans le garage. Comment ça vaut, ça, une S500, une 2004? Là, je l'ai emmenée chez nous, là, elle est dans le garage. Elle est silver avec le dedans noir, une S500 2004 full, full. Il ne manque rien. Sièges chauffants avant, arrière, nomme-les.»

Aujourd'hui, Guy Marc-Aurèle est accusé d'avoir «réclamé faussement comme dépense une somme de 30 652$ pour la location d'un véhicule de marque Mercedes utilisé à des fins personnelles».

Dans une autre conversation, Marc-Aurèle informe son comptable qu'il fournit une BMW à Nicolo Rizzuto. Rizzuto lui a avancé des fonds et la BMW est utilisée pour le rembourser, dit-il. La voiture était immatriculée au nom de Placements 425 Marien inc., une des nombreuses entreprises de Guy Marc-Aurèle.

Une troisième accusation porte sur d'autres stratagèmes qu'il aurait utilisés «pour empêcher le recouvrement d'une dette de 267 669$ due à l'Agence du revenu du Canada». Selon les mandats de perquisition, il a manoeuvré pour s'entendre illégalement avec des créanciers de Duroc, afin d'éviter de payer de l'impôt.

Au cours d'un entretien avec La Presse, il y a quatre ans, Guy Marc-Aurèle avait confié qu'il était un vieil ami de Vito Rizzuto. Âgé de 69 ans, il a cinq ans de plus que le chef mafieux, actuellement en prison pour meurtre au Colorado. «Je ne sais pas pourquoi Revenu Canada est venu perquisitionner chez moi, avait-il dit. Ma seule explication, c'est que Vito est un ami de longue date. Je ne peux pas renier cette amitié.»