Quel commerce sera le prochain sur la liste? La question s'impose après les deux nouvelles attaques au cocktail Molotov survenues dans la nuit de mardi à mercredi dans le quartier Rosemont, ce qui porte le nombre d'attentats à cinq depuis samedi.    

Après les cafés italiens, les clubs échangistes, les pizzerias et un salon de coiffure, au tour des casse-croûte créoles de se retrouver dans la ligne de mire des incendiaires. Le marché de fruits et légumes et le restaurant Steve-Anna, situés presque côte à côte rue Bélanger, ont cette fois tiré le mauvais numéro.

Les deux commerces, dont un boui-boui sans prétention, ont pignon sur rue depuis 25 ans et sont de véritables institutions dans la communauté haïtienne. Les deux propriétaires sont frère et soeur. L'un d'eux, Steve Jecrois, est d'ailleurs souvent interrogé dans des reportages en lien avec la diaspora. Il l'a notamment été au lendemain du séisme en Haïti.

Des témoins ont vu des suspects fracasser les vitrines et balancer des cocktails Molotov à l'intérieur des deux endroits vers 3h30.

Deux fidèles clientes du marché haïtien ne cachaient pas leur tristesse, devant les ruines de l'épicerie où elles ont leurs habitudes. «C'est un marché très populaire, ça me fait de la peine», a confié l'une d'elles.

Dans son salon coincé entre le marché et le casse-croûte, ce coiffeur avouait pour sa part être craintif. «Montréal n'est plus sécuritaire nulle part, il y a des problèmes partout», souligne le commerçant.

Le restaurant a été épargné, mais l'épicerie a été lourdement ravagée par les flammes. Les locataires d'un logement situé au deuxième étage ont été évacués, mais personne n'a été blessé. Ils devront se loger ailleurs puisque le sinistre a endommagé leur appartement. Quelques employés et proches des propriétaires rencontrés mercredi matin semblaient consternés par les événements. «Ça fait 25 ans qu'on est ouvert, on n'a jamais reçu la moindre menace», a souligné un ami. Dans les décombres de l'épicerie, une affiche remercie fièrement les clients pour leur fidélité à l'occasion du 25e anniversaire de l'endroit.

Il y a quelques jours, le casse-croûte Lavida, dans le quartier Parc-Extension, a aussi été victime d'un attentat au cocktail Molotov. Une querelle entre employés expliquait vraisemblablement l'affaire. Pour l'heure, la police tentera de déterminer s'il existe des liens entre ces récents événements.

La Division des incendies criminels du Service de police de la Ville de Montréal en a déjà plein les bras avec la vingtaine d'attaques recensées depuis le mois d'août et concentrées dans le nord-est de la métropole. En moins d'une semaine, deux casse-croûte créoles, une épicerie, un salon de coiffure et un café italien ont été ciblés.



Depuis le début de cette vague, quatorze cafés italiens, quatre pizzerias et un salon de coiffure ont été incendiés au cocktail Molotov. Les incendies dans les deux casse-croûte et au marché créole étirent un peu plus cette liste. En entrevue lundi, le commandant de la Division des incendies criminels du Service de police de la Ville de Montréal, Mario Lamothe, n'avait toutefois aucune raison de croire que les attentats dans les cafés italiens, dans les pizzerias et dans les casse-croûte créoles sont liés. La police fait toutefois un lien entre l'incendie dans le salon de coiffure et ceux dans les pizzerias.

Les cocktails Molotov semblent utilisés à toutes les sauces par les temps qui courent. Fortement médiatisé, ce type d'attentat semble préconisé par les incendiaires, une façon de profiter de la vague pour brouiller les pistes. Assurances, querelles entre associés, refus de payer le pizzo, contrôle de la drogue, règlements de comptes: tous les prétextes semblent bons pour lancer des cocktails Molotov.

Une autre hypothèse fait écho à des tensions entre des clans italiens. Les assassinats de plusieurs membres du clan Rizzuto, dont ceux du parrain Nicolo Rizzuto et de son petit-fils Nick, sans oublier les attaques contre les cafés, illustreraient l'instabilité qui règne actuellement dans la mafia montréalaise. Les incendies dans les cafés pourraient être le fait de gangs de rue à la solde d'un clan italien.

La police invite la population à lui transmettre toute information pouvant l'aider à démêler cette vague via sa ligne Info-Crime au 514-393-1133.

Photo: Sylvain Ryan, collaboration spéciale

Un commerce situé sur la rue Bélanger, à Montréal, a été la cible d'un cocktail Molotov, la nuit dernière.