Daniel Bédard n'est pas fou. Mais la psychiatrie travaille fort pour le rendre fou. C'est ce qui se dégage du témoignage que le psychiatre Pierre Mailloux a rendu mardi matin devant le juge Claude Champagne, dans le cadre d'une requête visant à faire déclarer Bédard délinquant dangereux ou à contrôler.

«C'est ahurissant de le traiter comme un malade mental. On utilise la psychiatrie pour le discréditer. La psychiatrie est faite pour venir en aide, pas pour sauter sur le monde», a dit le Dr Mailloux. Il a fait ressortir que Bédard avait été évalué par une foule de psychiatres au cours des dernières années, et qu'il n'y avait pas de consensus. «Dans la même institution (Institut Philippe-Pinel), on a des opinions diamétralement opposées», a-t-il souligné. Certains psychiatres le trouvent malade mentalement, alors que d'autres le trouvent sain d'esprit.

Bédard, dessinateur en bâtiments âgé de 52 ans, accumule les accusations pour menaces et harcèlement depuis cinq ans. Au début, ses récriminations étaient dirigées contre son ordre professionnel (Ordre des technologues), puis contre l'Ordre des ingénieurs. D'autres sources de mécontentement se sont ajoutées au fil des ans. Les accusations portées contre lui dans les dernières années découlent principalement de son comportement à la Cour. Quand il est contrarié, Bédard se met à crier, à invectiver, à insulter.

Dans le cas présent, le juge Champagne doit décider de la peine à lui infliger après qu'un jury l'eut reconnu coupable d'avoir menacé un procureur de la Couronne dans le cadre d'un autre de ses procès, en avril 2009.

Une autre psy

En raison du comportement de Bédard et du caractère répétitif de ses gestes, la procureure de la Couronne Josée Lemieux demande qu'il soit déclaré délinquant dangereux ou à contrôler. La psychiatre Renée Fugère a été chargée d'évaluer Bédard pour cette requête. L'homme n'a pas voulu se plier à l'exercice, car il voulait une autre psychiatre, qu'il avait rencontrée précédemment. En s'appuyant sur des documents, la Dre Fugère a tout de même rendu un rapport de 30 pages sur Bédard, au terme duquel elle a conclu qu'il souffre d'un trouble délirant de «type persécutoire» greffé à une personnalité à traits narcissiques. Le remettre en liberté sans traitement représenterait un risque, à son avis.

Embauché par l'Aide juridique, le Dr Mailloux trouve cette expertise inacceptable. Le psychiatre, qui est à couteaux tirés avec le Collège des médecins, estime que Bédard est un homme brillant qui n'a absolument pas besoin de traitements. «Il peut être impoli et avoir des propos à l'emporte-pièce. Il a besoin d'être écouté, pas traité psychologiquement», dit-il.

Le Dr Mailloux considère que les colères de Bédard sont légitimes compte tenu du traitement qu'on lui a fait subir. Le Dr Mailloux a cependant admis qu'il n'avait jamais pris connaissance d'une foule de documents et de preuves retenues contre Bédard, qui se défend seul.

Quoi qu'il en soit, Bédard a été d'un calme presque olympien pendant le témoignage du Dr Mailloux. Habituellement, les autorités du palais prévoient toujours une salle d'audience supplémentaire, où on l'envoie quand il s'énerve trop. Bédard peut alors suivre son procès par télévision en circuit fermé. Le juge coupe le son quand Bédard se met à vociférer. L'audience se poursuivra le 24 novembre.