Daniel Bédard n'est pas fou. Mais la psychiatrie travaille fort pour le rendre fou. C'est ce qui se dégage du témoignage que le psychiatre Pierre Mailloux a livré ce matin devant le juge Claude Champagne, dans le cadre d'une requête visant à faire déclarer Bédard délinquant dangereux ou à contrôler.

«C'est ahurissant de le traiter comme un malade mental. On utilise la psychiatrie pour le discréditer. La psychiatrie est faite pour venir en aide, pas pour sauter sur le monde», a dit le Dr Mailloux, en faisant ressortir que Bédard avait été évalué par une foule de psychiatres au cours des dernières années, et qu'il n'y avait pas de consensus. «Dans une même institution (Institut Philippe-Pinel), on a des opinions diamétralement opposées, s'est-t-il formalisé. Certains le trouvent malade mentalement, alors que d'autres le trouvent sain d'esprit.»

 

Bédard, un dessinateur en bâtiments âgé de 52 ans  accumule les accusations pour menaces et harcèlement depuis cinq ans. Au début, ses récriminations étaient dirigées contre son ordre professionnel, et l'Ordre des ingénieurs. Au fil des ans, les accusations portées contre lui découlent de son comportement à la Cour. Il s'énervait, criait, invectivait, ce qui amenait son expulsion, parfois ponctuée par des bousculades avec des agents des services correctionnels.

En raison de la répétition des gestes, et du fait de son comportement, la Couronne demande à ce qu'il soit déclaré délinquant dangereux ou à contrôler. La procureure de la Couronne a demandé à la psychiatre Renée Fugère d'évaluer Bédard pour sa requête. Bédard n'a pas voulu se plier à l'exercice. La Dr Fugère a tout de même rendu un rapport de 30 pages, au terme duquel elle conclut que Bédard souffre de délire de persécution associé à une personnalité narcissique, et qu'il a besoin de traitements. Le remettre en liberté sans traitements représenterait un trop grand risque, évalue-t-elle. Le Dr Mailloux a été embauché par l'Aide juridique pour faire contrepoids à cette expertise. Le Dr Mailloux juge que  Bédard est un homme brillant, sain d'esprit, qui n'a absolument pas besoin de traitements. «C'est un homme qui peut être impoli et avoir des propos à l'emporte-pièce. Il a besoin d'être écouté, pas traité psychologiquement», dit-il. Le Dr Mailloux considère que les colères de Bédard sont légitimes, compte tenu du traitement qu'on lui a fait subir. Le Dr Mailloux a  cependant admis qu'il n'a jamais pris connaissance d'une foule de documents et de preuves retenues contre Bédard. Il faut dire que Bédard a congédié l'avocat de l'Aide juridique qui l'aidait à se représenter.

Quoi qu'il en soit, Bédard a été d'un calme presque olympien pendant le témoignage du Dr Mailloux. Habituellement, les autorités du palais prévoient toujours une salle d'audience supplémentaire où il est envoyé quand il s'énerve trop. Bédard peut alors suivre son procès par le biais d'un système de télévision en circuit fermé. On le voit et l'entend lui aussi. Le juge coupe le son quand Bédard se met à vociférer trop fort. L'audience se poursuit cet après-midi.