Au motif que l'intérêt de deux enfants était compromis par un conflit parental majeur, une juge de l'Outaouais vient d'en retirer la garde à leur père pour les confier à une famille d'accueil.

Pourtant, le père était apte à s'occuper des enfants et ces derniers voulaient «absolument» rester avec lui, peut-on lire dans le jugement rendu le 14 octobre.

Alain Roy, professeur de droit de l'enfant et de la famille à l'Université de Montréal, est «surpris» par la décision de la juge Louise Turpin. «Si le remède est pire que le mal, posons-nous des questions», dit-il.

L'affaire a commencé en janvier 2008, lorsque la mère a quitté le père. Les parents se sont d'abord entendus pour partager la garde de leurs enfants, une fille de 7 ans et un garçon de 8 ans.

Puis leurs relations se sont envenimées au point où le conflit parental a été porté à l'attention de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Des intervenants rattachés au CLSC ont tenté de les aider à régler leurs différends.

«Rien à faire, écrit la juge Louise Turpin. Les enfants ont toujours le même discours, soit ne pas aimer leur mère.» Quant au père, il ne «fait preuve d'aucune ouverture» pour régler le conflit et blâme la mère.

Le garçon porte à sa mère une haine telle que, en mars 2009, il a été hospitalisé d'urgence en raison de l'«extrême violence» qu'il manifestait envers elle. Selon une psychiatre qui l'a évalué, il est si perturbé qu'il risque de souffrir de troubles de la personnalité.

La situation a encore dégénéré en décembre 2009, lorsque le garçon a été victime de violence de la part de l'ex-petit ami de sa mère. Après l'intervention de la DJP, le père a obtenu temporairement la garde des enfants, mais cela a été de courte durée: jugeant que le conflit parental compromettait le bien-être et le développement des enfants, l'intervenante de la DPJ a recommandé de les confier à une famille d'accueil.

La juge Louise Turpin a accueilli cette recommandation au motif que, même si les parents possèdent les compétences requises pour éduquer leurs enfants, leur comportement était nuisible pour eux.

Le 20 octobre, les enfants ont été confiés chacun à une famille d'accueil (aucune ne pouvait les prendre tous les deux) pour une période de six mois.

Les parents pourront les visiter sous supervision et, «lorsque la situation le permettra», ils pourront graduellement les reprendre avec eux. D'ici là, a écrit la juge, les enfants pourront construire «une relation saine avec leur mère» et les parents pourront «peut-être apprendre à communiquer adéquatement entre eux».

Des doutes

Le professeur Alain Roy se questionne: «Est-ce que cette décision est prise dans l'intérêt des enfants ou de la mère? En droit de la famille, deux principes fondamentaux s'appliquent: les décisions doivent être prises dans l'intérêt de l'enfant, et son maintien dans le milieu d'origine doit être favorisé.»

La directrice de la protection de la jeunesse de l'Outaouais, Michelyne Gagné, a préféré ne pas commenter ce cas précis pour des raisons de confidentialité. «En général, a-t-elle dit, on parle d'un conflit parental majeur lorsque les enfants reçoivent des messages répétitifs qui dénigrent l'autre parent et lorsque la situation a un impact sur leur fonctionnement et leur état psychologique.» Michelyne Gagné ajoute que, dans plus de 95% des cas, les intervenants de la DPJ réussissent à travailler avec les parents pour maintenir les enfants dans leur milieu.

Le père entend interjeter appel.