Postes Canada enquête depuis le printemps sur un important trafic de timbres contrefaits vendus dans des dépanneurs de l'Ontario et du Québec, a appris La Presse. Cinq mois plus tard, les faussaires courent toujours.

La responsable des communications de Postes Canada, Catherine Lortie, a confirmé hier qu'une enquête interne est en cours depuis le mois de mai. Pour ne pas nuire à son déroulement, elle n'a pas voulu chiffrer l'ampleur du trafic et des pertes subies par la société d'État.

Selon Richard Gratton, expert en philatélie qui a déjà fait de la consultation pour Postes Canada, les pertes seraient considérables. «Le marché est inondé de timbres contrefaits», résume M. Gratton, qui a publié deux articles à ce sujet cette année dans la revue Philatélie Québec.

Membre de l'Association internationale des experts en philatélie, Richard Gratton est au courant du problème depuis le printemps. Au mois de mars, il a écrit à Postes Canada pour le lui signaler, mais sa lettre est restée sans réponse, dit-il.

Depuis, il reçoit presque chaque semaine des courriels ou des lettres de citoyens qui ont en main des timbres contrefaits. Chimiste à la retraite, M. Gratton est spécialiste de l'expertise de timbres.

«Lorsque les gens découvrent de petites imperfections sur leurs timbres, ils entrent en contact avec moi parce qu'ils pensent qu'il s'agit d'erreurs qui valent cher», explique M. Gratton.

Le président de la Fédération québécoise de philatélie, André Dumas, est lui aussi au courant du trafic actuel. «Ça doit nuire énormément aux ventes de Postes Canada, estime-t-il. Quand les gens achètent des timbres contrefaits, ils n'achètent pas des vrais.»

Selon Richard Gratton, les faussaires ont copié les trois carnets de timbres autocollants «permanents» émis cette année par Postes Canada. Les timbres permanents sont bons à vie parce qu'aucun prix n'est inscrit dessus.

Les copies des fraudeurs circuleraient principalement en Ontario et au Québec, notamment dans la région de Salaberry-de-Valleyfield. Ils sont vendus dans les dépanneurs, et non dans les bureaux de poste.

«La plupart des gens ne voient pas la différence entre les vrais et les contrefaits, mais les philatélistes qui observent des timbres, oui», explique Richard Gratton, qui souligne que la couleur, le type d'impression et le papier sont différents.

Les commerçants qui les achètent à des prix avantageux ne savent pas nécessairement qu'ils sont contrefaits et qu'ils commettent un acte illégal en les revendant, ajoute M. Gratton.

Autre problème: les timbres des faussaires ne sont pas lisibles dans les machines de tri automatisé, car ils ne possèdent pas de «bande de marquage». Les lettres doivent donc être triées à la main. M. Gratton estime que cela peut occasionner de légers retards dans la livraison, mais Postes Canada assure que non.

«Les gens qui achètent ces timbres sans le savoir n'ont pas à s'inquiéter, a assuré Catherine Lortie. Leurs lettres seront livrées dans les mêmes délais.»

Pas une première

Ce n'est pas la première fois que la société d'État est aux prises avec un tel problème. En 2004, Postes Canada et la GRC ont mis fin à la distribution et à l'importation de timbres contrefaits en provenance de l'Europe.

Dans les années 80 et 90, Postes Canada a fermé de nombreux bureaux de poste jusqu'à ce qu'un moratoire soit décrété en 1993. Les dépanneurs ont pris le relais, ce qui a permis aux faussaires d'écouler leur marchandise plus facilement.

En général, Postes Canada trouve rapidement les coupables, selon Richard Gratton, qui s'étonne du fait que la société d'État mette autant de temps à conclure son enquête. «Le fait que l'enquête soit longue n'est pas le reflet du peu d'intérêt qu'on lui porte, mais de sa complexité» a assuré Catherine Lortie.