Le juge Jean-Guy Boilard assure qu'il n'a pas décidé de l'issue du procès de Benjamin Hudon-Barbeau. Mais avant d'entendre les plaidoiries, il est enclin à penser que l'accusé a tiré en direction de deux hommes noirs qui fuyaient le bar Upperclub, la nuit du 24 octobre 2006, comme l'a soutenu une ex-vendeuse de stupéfiants.

C'est ce qui se dégage des commentaires que le juge a faits, hier, juste avant d'ajourner pour permettre aux avocats de préparer leurs plaidoiries, qu'ils livreront lundi. Âgé de 33 ans, l'accusé est jugé depuis deux semaines pour deux accusations de meurtre non prémédité, en lien avec la mort de Jean-Patrick Fleury et de Vladimir Nicolas. Leurs corps criblés de balles ont été trouvés dans les escaliers de secours du bar Upperclub. Une querelle avait éclaté dans les minutes précédentes, dans la section VIP de ce bar du boulevard Saint-Laurent.

La preuve de la Couronne repose essentiellement sur les témoignages de deux témoins oculaires. Kim Lamoureux, qui vendait de la drogue pour les Hells Angels, dit avoir vu l'accusé tirer en direction de deux Noirs. Le second témoin, Brian Gortler, agissait à titre d'homme de main pour les Hells Angels à l'époque. Il dit avoir vu ce qu'il «croit» être une arme dans les mains de l'accusé, après qu'un homme à qui il venait lui-même de donner un coup de poing au visage se fut fait tirer sous ses yeux, à l'intérieur du bar.

Trois scénarios

Hier, après que la preuve a été déclarée close de part et d'autre, le juge a exposé les trois scénarios qu'il avait en tête pour arriver à trancher l'affaire.

Scénario 1: Le juge ne croit ni Lamoureux ni Gortler, auquel cas l'accusé sera acquitté.

Scénario 2: Le juge croit les deux témoins. Comme Gortler dit que l'accusé a fait mouche sur l'homme avec qui il était en train de se battre (Vladimir Nicolas), Hudon-Barbeau serait donc coupable du meurtre non prémédité de cette victime. Nicolas a été atteint de deux projectiles de 9 mm. Comme la victime Fleury a elle aussi été atteinte d'un projectile de 9 mm, Hudon-Barbeau serait donc coupable également de ce meurtre non prémédité.

Scénario 3: Le juge ne croit pas Gortler mais croit Mme Lamoureux. Elle dit avoir vu l'accusé pointer une arme vers les fuyards. Elle a ensuite vu «deux flashs», et a entendu trois détonations. On ne connaît pas le calibre de l'arme. On arriverait alors à un verdict de tentatives de meurtres, a résumé le juge Boilard.

«L'honnêteté me pousse à vous dire que, pour le moment, j'ai une forme d'inclinaison pour le troisième scénario», a dit le juge avant d'ajouter qu'il arriverait quand même l'esprit ouvert aux plaidoiries, lundi.

Dans ce petit laïus, le juge incitait de toute évidence les avocats à délaisser les avenues secondaires, pour se consacrer à l'essentiel dans leurs plaidoiries.

Les victimes dans les escaliers

Un peu plus tôt, hier, Me Pierre Poupart a fait entendre deux hommes qui travaillaient à l'Upperclub le soir fatidique. Steve Logan, 35 ans, assurait la sécurité. Il a expliqué que, à un certain moment, il a vu des clients s'enfuir en courant parce qu'il se passait quelque chose. Il a ouvert une porte donnant sur le deuxième palier de l'escalier de secours parce qu'on y frappait. Quatre ou cinq personnes affolées se sont engouffrées dans le bar par cette porte. Il a regardé en haut, vers le troisième palier, d'où venaient des cris. Il a vu Vladimir Nicolas descendre les marches rapidement, en provenance de la section VIP. Tout de suite après, il a vu Jean-Patrick Fleury sortir du même endroit. Ce dernier n'a pas touché les marches. Il a «volé» au-dessus et a atterri un palier plus bas. Il ne s'est pas relevé. Logan a alors entendu des coups de feu et est vite rentré dans le bar pour se mettre à l'abri. Quelques minutes plus tard, il est retourné voir dans l'escalier de secours. Les deux victimes s'y trouvaient et semblaient mortes.

Rappelons que Hudon-Barbeau, qui se trouvait dans ce bar selon plusieurs témoins, a été arrêté huit mois après les meurtres. Chose rare, il est jugé par un juge seul, sans jury.