Jewel McGowan, la mère d'un adolescent de 15 ans tué dans la réserve de Kahnawake au terme d'une poursuite policière, à l'été 2008, en veut encore beaucoup à Timmy Deer Jr, le jeune Mohawk qui a fauché son fils, mais elle reproche aussi à l'agente de la police de Roussillon de ne pas avoir abandonné la poursuite plus tôt.

Timmy Deer Jr, 27 ans, a écopé d'une peine globale de huit ans d'emprisonnement, hier, au palais de justice de Longueuil, pour avoir provoqué cette poursuite policière et pour conduite dangereuse ayant causé la mort de Tylor Glasgow.

Un conducteur irresponsable

La juge Ellen Paré, de la Cour du Québec, a qualifié le jeune homme d'«irresponsable» à la «délinquance explosive», notamment en raison de ses problèmes de consommation d'alcool et de cocaïne. L'accusé, père de deux jeunes enfants, a admis s'être réfugié en territoire mohawk dans l'espoir que la policière abandonnerait la poursuite.

Il n'a pas bronché lorsque la magistrate a rendu sa décision. Il lui reste un peu moins de cinq ans de prison à purger à ce jour puisque le temps qu'il a passé en détention préventive compte double.

«Je ne crois pas que justice ait été rendue. J'aurais voulu qu'il passe le reste de ses jours en prison», a dit Jewel McGowan aux médias à sa sortie de la salle d'audience.

Timmy Deer Jr, aussi résidant de Kahnawake, n'avait plus de permis de conduire quand le drame s'est produit. Il avait déjà été condamné pour conduite avec facultés affaiblies, en plus de voir son permis suspendu six fois pour amendes impayées.

Le soir du 30 juillet 2008, à 22h43, une jeune agente de la Régie intermunicipale de Roussillon a fait signe de s'arrêter au conducteur d'un Ford Explorer qui roulait à haute vitesse et venait de brûler un feu rouge sur la route 132, à Sainte-Catherine. Timmy Deer a plutôt foncé à toute vitesse vers la réserve, à 200 m de là.

La policière, qui avait trois mois d'expérience, n'aurait d'abord pas entendu son superviseur quand il lui a ordonné d'abandonner la poursuite. Elle aurait obtempéré au deuxième avertissement. La poursuite a duré 33 secondes sur une distance d'environ 2 km, selon le rapport du coroner Roger Laberge.

La policière montrée du doigt

Le fuyard a perdu la maîtrise de son véhicule dans la courbe avant d'arriver à l'intersection Texas Crossing. Il a roulé sur une bonne distance dans la rue Texas avant de heurter Tylor Glasgow, qui était à bicyclette. Le chauffard roulait alors à 130 km/h dans une zone de 30. Il a ensuite fauché un poteau d'Hydro-Québec pour terminer sa course dans un fossé. L'adolescent est mort sur le coup.

«C'est une situation qui aurait pu être évitée. Mon client admet sa responsabilité, c'est pour cette raison qu'il a plaidé coupable, évitant du même coup à la famille de la victime de devoir revivre ce traumatisme. Mais la police n'aurait jamais dû s'engager dans une poursuite à haute vitesse pour remettre une contravention. Des directives existent dans tous les corps policiers du Québec à cet effet. Cette policière avait même eu une formation là-dessus dans les mois précédant le drame», a souligné pour sa part l'avocat de la défense, Philip Schneider, qui suggérait une peine de six ans d'emprisonnement.

La mère de la victime est d'accord avec l'avocat de l'accusé sur ce point. Elle a d'ailleurs porté plainte contre la jeune agente de Roussillon au Commissaire à la déontologie policière du Québec, à l'hiver 2009. Elle affirme ne pas avoir eu de nouvelles depuis. La porte-parole du Commissaire, Me Martine Letarte, n'a pas été en mesure de confirmer ni d'infirmer à La Presse, hier, si une plainte avait bel et bien été portée.

Quelques jours après la tragédie, près de 200 citoyens étaient descendus dans la rue pour dénoncer les excès de vitesse dans leur communauté et exiger une enquête publique. Il aura fallu cette manifestation pour que Québec décrète tardivement la tenue d'une enquête ministérielle, comme cela se fait chaque fois qu'un policier est impliqué dans la mort d'un citoyen. La Sûreté du Québec, à qui l'on a finalement confié l'enquête, a remis son rapport au Directeur des poursuites criminelles et pénales le 20 février 2009. Or, le porte-parole de la SQ, Claude Denis, nous a dirigés vers le site web du corps policier, hier, dans lequel un communiqué laconique indique que le rapport a bel et bien été déposé, sans en dévoiler les conclusions