Brian Gortler, l'un des principaux témoins de la Couronne dans le procès de Benjamin Hudon-Barbeau, accusé d'un double meurtre commis au bar Upperclub, a appelé l'avocat de la défense, en octobre 2008, pour dire que les policiers n'étaient pas corrects avec lui et qu'ils lui faisaient dire des choses. «Ils jouent avec moi, ils me font peur», a-t-il dit notamment.

C'est en faisant entendre l'enregistrement de ces appels à son cabinet que Me Pierre Poupart, avocat de la défense, a pour ainsi dire clos son méticuleux contre-interrogatoire du témoin, hier après-midi.

Benjamin Hudon-Barbeau, âgé de 33 ans, est accusé du meurtre de Jean-Patrick Fleury, 28 ans, et de Vladimir Nicolas, 31 ans, survenu au bar Upperclub dans la nuit du 24 octobre 2006. Les victimes ont été atteintes de plusieurs projectiles alors qu'elles tentaient de fuir le bar du boulevard Saint-Laurent par l'escalier de secours extérieur.

Les balles étaient de deux calibres différents, mais seul Hudon-Barbeau a été arrêté et accusé. La preuve contre lui repose essentiellement sur le témoignage d'une vendeuse de drogue, qui dit l'avoir vu avec une arme, et sur celui de Gortler, qui travaillait à l'époque comme garde du corps pour les Hells Angels. Ce dernier «pense» avoir vu une arme dans les mains de l'accusé après le premier coup de feu, mais il ne peut l'affirmer à 100%.

Miner la crédibilité

Depuis lundi, Me Poupart s'est employé à miner la crédibilité de Gortler. Il a notamment fait ressortir que ce dernier était prêt à tout pour assouvir sa dépendance à la cocaïne. Surnommé «Giant», l'homme, qui fait plus de 2 m, n'a pas hésité à rouler ceux qui lui sont venus en aide.

Au mois d'octobre 2008, lorsqu'il a téléphoné à Me Poupart, il était en plein contre-interrogatoire dans l'enquête préliminaire d'Hudon-Barbeau. En fait, le processus s'est déroulé par à-coups, entre les mois de mai et de décembre 2008. Gortler consommait beaucoup et n'avait pas d'adresse fixe. Les enquêteurs Marco Roy et Mario Lambert ont tenté de le garder à flot, notamment en lui allouant une marge de crédit pour l'aider à survivre. Il a en plutôt tiré des milliers de dollars pour payer du champagne et d'autres gâteries à un revendeur de drogue, qui le remerciait en cocaïne.

Le 1er octobre 2008, Gortler a quitté sa thérapie de désintoxication pour aller chercher son chèque d'aide sociale. Les enquêteurs l'ont obligé à amputer son chèque de 350$ pour rembourser la police.

Le 2 octobre 2008, Gortler a donc appelé Me Poupart pour se plaindre des policiers. L'avocat, perplexe, ne savait trop que faire de cet appel embarrassant et potentiellement explosif. Il a finalement parlé à Gortler. Plus tard, ce dernier a affirmé qu'il avait fait cet appel sous la contrainte de motards. Selon son histoire, ceux-ci l'avaient abordé dans la rue, au centre-ville, et l'avaient obligé à appeler Me Poupart d'une cabine téléphonique, pour dire que les policiers lui mettaient de la pression.

Vol de caméra

Quoi qu'il en soit, dans les jours suivants, Gortler, qui n'avait pas de toit, a été hébergé par un «bon Samaritain». Gortler lui a quand même volé une caméra, qu'il est allé vendre pour s'acheter de la cocaïne.

Après quatre jours de contre-interrogatoire, Gortler a paru soulagé de quitter la barre, hier après-midi. Le procès se poursuit ce matin avec le contre-interrogatoire de l'enquêteur Marco Roy.

Me Poupart veut aussi contre-interroger l'enquêteur Mario Lambert, qui a présenté un billet médical et l'avis d'un psychologue selon lesquels il ne peut témoigner. Mais cela n'a pas convaincu le juge Jean-Guy Boilard, qui a demandé que M. Lambert soit à la cour aujourd'hui. M. Lambert, qui est accusé d'avoir utilisé frauduleusement l'ordinateur de la police, est suspendu depuis le mois de septembre 2009. Son procès se déroule lui aussi par à-coups, depuis la rentrée judiciaire.