Il n'aura fallu que trois heures pour que le colonel Russell Williams passe aux aveux. Mais même après avoir enfin compris que la police détenait des preuves irréfutables contre lui, le colonel Williams semblait plus préoccupé par la réaction de sa femme et par le démantèlement de sa «toute nouvelle maison» que par le sort de ses victimes.  



Voilà ce qui ressort d'une vidéo de 10 heures composée d'une série d'extraits de l'interrogatoire mené par le sergent-détective Jim Smyth. Deux heures de ces extraits ont été présentées mercredi au palais de justice de Belleville devant des membres de l'entourage des victimes.

Le militaire de 47 ans est entré au poste de police vers 15h le 7 février dernier, la mine détendue et joviale, vêtu d'un polo rayé et d'un jean. Visiblement, il ignorait que la police était aussi bien documentée. D'ailleurs, il a refusé l'aide d'un avocat et a accepté de se soumettre à un test d'ADN. On lui avait dit qu'on voulait l'interroger afin de l'éliminer de la liste de suspects.

Il a souri quand il a révélé que c'était sa première entrevue avec la police. Trois heures plus tard, son sourire avait disparu. Le détective Smyth avait méthodiquement exposé ses preuves, dont les empreintes de bottes et les traces de pneus relevées sur le terrain de l'une des victimes. Il avait réuni suffisamment de pièces à conviction pour le lier aux agressions contre ses voisins ainsi qu'aux meurtres de Jessica Lloyd, 10 jours auparavant, et de Marie-France Comeau, deux mois plus tôt.

Sur la vidéo, Williams semble ébranlé et reste coi durant de longs moments. Suit un dialogue déterminant où on sent qu'il craque.

«Je ne sais pas quoi dire», lâche-t-il après la démonstration du détective.

Smyth lui révèle alors que la police fait des recherches dans sa maison de Tweed et que, s'il veut éviter les fouilles excessives, il doit les aider.

«Votre femme sait maintenant ce qui se passe, dit Smyth.

- J'ai peur que la police démolisse la nouvelle maison de ma femme... Cette maison, c'était son rêve. Que dois-je faire?

- Dites la vérité.

- D'accord», consent Williams après un long moment de réflexion.

Smyth lui demande alors où se trouve Jessica Lloyd. Russell répond quelques instants plus tard en réclamant une carte géographique. Il montre un endroit à l'est de Tweed. Smyth lui demande si elle était avec lui ce vendredi fatidique. «Oui», répond Williams.

«Combien de temps est-elle restée en vie pendant qu'elle était avec vous?

- Tout près de 24heures.

- Est-elle ensevelie? demande Smyth.

- Vous pouvez la voir», indique Williams.

La famille Lloyd exprime sa peine

Les membres de l'entourage de Jessica Lloyd, l'une des deux femmes violées et assassinées par Williams, ont décrit leur immense chagrin mercredi. Une amie de la famille, qui avait promis de veiller sur Jessica alors que son père se mourait d'un cancer, ne pouvait cacher sa peine: «J'ai échoué, a-t-elle dit, la voix nouée. Je suis maintenant remplie de haine et de rage. Chaque jour, j'ai hâte que la nuit vienne pour dormir et ne plus rien sentir.»

«Ce qu'il a fait nous hantera pour la vie», a dit la mère de la jeune femme.

Durant le visionnement de la vidéo, quelques membres de la famille ont sourcillé quand ils ont entendu la réponse de Williams à l'enquêteur Smyth, qui lui demandait d'expliquer son comportement.

«Je n'ai pas de réponse. Je suis certain que les réponses n'ont pas d'importance.»

Le procès reprend ce matin à 10h. Le colonel Williams devrait alors recevoir sa peine.