Quand Alain Diamond a commencé à clavarder avec David Abitbol sur l'internet, il a tout de suite senti que quelque chose clochait chez son ancien camarade de classe. Et qu'il avait le devoir moral d'en parler à quelqu'un.

C'était le 28 septembre dernier. Alain Diamond, Montréalais de 28 ans, avait retracé David Abitbol en visitant la page Facebook de l'école primaire René-Guénette, à Montréal-Nord. Les deux jeunes hommes ne sont pas amis, mais ils étaient dans la même classe en cinquième année.

En visitant le profil Facebook de David Abitbol, Alain Diamond a été alerté par son pseudonyme («David Darkiller») et par sa photo de profil (des armes à feu). Intrigué, il lui a donc envoyé un message afin d'en savoir plus.

«Tu es rendu collectionneur d'armes?» lui a-t-il écrit. Alain Diamond l'ignorait, mais le long échange qu'il était sur le point d'avoir allait mener quatre jours plus tard à l'arrestation de son interlocuteur.

David Abitbol, 28 ans, lui a rapidement répondu. Il lui a d'abord décrit ses cinq armes à feu, en indiquant d'emblée que l'une d'elles pouvait faire «exploser des têtes». Un peu plus tard, Abitbol a écrit qu'il voulait tuer au moins deux professeurs et un ancien camarade de classe.

Le soir même, Alain Diamond a envoyé une copie de l'échange à une tierce personne pour lui demander son avis. Le lendemain, cette tierce personne a transmis les documents à la GRC avec l'accord d'Alain Diamond. La GRC les a à son tour confiés à la Sûreté du Québec.

«Je me suis dit que ça valait la peine d'enquêter sur lui, parce qu'il m'a vraiment donné l'impression d'un gars qui a déjà commis un crime ou qui était sur le point d'en commettre un», a raconté Alain Diamond lors d'un entretien téléphonique avec La Presse, dimanche.

D'autres échanges

Par la suite, Alain Diamond a eu deux autres échanges avec David Abitbol, qui lui ont semblé tout aussi troublants. «Plus le temps passait, plus il devenait inquiétant, a-t-il relaté. Il parlait de tuer des gens comme on parle d'acheter une maison ou une Ferrari. Il répondait très rapidement, comme s'il avait déjà réfléchi à ses réponses.»

Le troisième échange s'est terminé dans la nuit du 1er au 2 octobre. Une demi-heure plus tard, les enquêteurs sont arrivés chez les parents d'Abitbol, boulevard Gouin Est.

Lorsqu'il a rencontré les policiers pour la première fois, Alain Diamond a préféré faire un signalement anonyme. Il s'est toutefois ravisé en apprenant que les enquêteurs ont découvert des fichiers de pornographie juvénile sur l'ordinateur d'Abitbol. «J'ai alors décidé de faire une déposition officielle, a-t-il dit. Je suis prêt à aller témoigner.»

D'ailleurs, Alain Diamond a accepté de parler à La Presse pour inciter les gens à faire comme lui s'ils sont témoins de menaces. «C'est possible de faire un appel anonyme à Info-Crime, a-t-il rappelé. Il faut seulement donner un coup de pouce aux policiers et ils se chargent du reste. Mieux vaut en parler que risquer d'avoir une tragédie sur la conscience. »

Le juge Robert Marchi annoncera demain si David Abitbol recouvrera la liberté. Il est accusé de menaces, d'entreposage illégal d'armes à feu et de possession de pornographie juvénile. Lors de l'enquête sur la mise en liberté, la semaine dernière, la défense l'a présenté comme un être avant tout immature. La Couronne juge qu'il doit rester détenu.

Alain Diamond