Resté paraplégique après avoir été atteint de plusieurs coups de feu en juin 2000, Jean Moïse Haspilaire espérait être indemnisé en tant que victime d'un acte criminel, mais il n'aura rien. En côtoyant les gangs de rue, il a été l'artisan de son propre malheur, a tranché hier la Cour d'appel.

Même s'il n'a pas été condamné lui-même, Haspilaire a été impliqué dans plusieurs incidents très violents au cours des années 90. Le 30 mars 1995, il se trouvait dans une voiture avec des membres de gangs d'allégeance rouge (Brooklyn Action et Bo-Gars), quand des individus liés aux Bleus, les frères Zéphir notamment, ont tiré dans leur direction. Par la suite, une source policière a appris que Haspilaire avait réuni environ 4000$ pour acheter une vingtaine d'armes afin de riposter contre les Bleus (Crack Down Posse.)

Un peu plus tard en 1995, Haspilaire a participé à une bagarre dans un bar fréquenté par les gangs de rue. Un coup de feu a été tiré. En juin 1999, Marc-Antoine Pierre, chef des Brooklyn Action et grand ami de Haspilaire, a été poignardé à mort au cours d'une fête haïtienne à laquelle Haspilaire assistait. Un des frères Zéphir s'est avoué coupable de ce crime.

En décembre de la même année, dans ce qui semble être une riposte des Brooklyn Action à la mort de leur chef, des coups de feu tirés au cours d'une autre fête haïtienne ont fait un mort et un blessé.

Atteint de plusieurs projectiles

Quelques mois plus tard, soit le 29 juin 2000, alors que Haspilaire s'apprêtait à sortir de sa voiture pour rentrer chez lui en fin de soirée, deux individus cagoulés ont surgi et lui ont tiré dessus. Il a été atteint de plusieurs projectiles, notamment à un bras et dans le nez. C'est alors qu'il a perdu l'usage de ses jambes.

Le lendemain, une fusillade en territoire bleu a fait un mort et deux blessés. Les assaillants étaient Stanley Beaucicault, frère de Wilemine Beaucicault (conjointe d'Haspilaire), et Patrick Moïse, tous deux membres des Brooklyn Action.

Aller-retour en Haïti

Après sa réadaptation, à l'automne 2000, Haspilaire a quitté le Canada pour Haïti, où habitent son père et d'autres membres de sa famille. Il est revenu au Canada en janvier 2004 et a réactivé sa demande d'indemnité auprès de l'IVAC (Indemnisation des victimes d'actes criminels). Sa demande a été rejetée au motif que, en fréquentant les gangs de rue, il avait commis une faute lourde qui le privait de son droit à des indemnisations.

Haspilaire en a appelé au Tribunal administratif du Québec et a eu gain de cause en février 2007. Le TAQ a estimé qu'Haspilaire ne pouvait être qualifié de membre de gang de rue selon «la grille utilisée par la police».

En complet désaccord avec cette conclusion, le Procureur général du Québec en a alors appel à la Cour supérieure, qui a cassé le jugement du TAQ. Haspilaire a porté cette décision devant la Cour d'appel. Les juges Pierre J. Dalphond, Allan J. Hilton et Lise Côté l'ont débouté dans une décision unanime.

Haspilaire, qui fêtera ses 40 ans en 2011, vit aujourd'hui dans la région d'Ottawa avec son frère.