Ce n'est pas la pauvreté ou le chômage qui poussent les musulmans à la radicalisation lorsqu'ils vivent à l'étranger. Les immigrés de deuxième et troisième génération sont les plus susceptibles de se radicaliser parce qu'ils s'estiment victimes de discrimination ou qu'ils se sentent plus vulnérables.

Dans une étude d'une quinzaine de pages que La Presse a obtenue grâce à la Loi sur l'accès à l'information, le ministère de la Sécurité publique du Québec se penche sur le phénomène qui pousse de jeunes immigrés instruits et intégrés à la population active à se regrouper autour des valeurs extrémistes du djihad. Parmi les trois jeunes musulmans ontariens arrêtés hier, soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat, on trouve un ancien étudiant en médecine de l'Université McGill et un employé de l'Hôpital d'Ottawa.

L'étude fait remarquer que les nombreux attentats terroristes survenus en Occident dans les dernières années «ont surtout été le fait de citoyens ou de résidents du pays où devait s'exécuter l'acte terroriste».

L'identification de ces ressortissants à leur société d'accueil «et leur niveau de satisfaction seraient nettement inférieurs». «Nombre des individus radicalisés dans les pays occidentaux au cours des dernières années provenaient de milieux favorisés», constate l'étude, passablement caviardée, qui date de 2008. Davantage que la pauvreté, «ce sont les sentiments de frustration engendrés par la perception que certaines possibilités ne soient pas accessibles aux musulmans qui poussent à la radicalisation». Celle-ci s'explique surtout par «l'empathie ressentie à l'endroit des frères musulmans».

«Incubateurs»

Selon les auteurs, cette radicalisation nécessite des «incubateurs»: les individus se retrouvent dans des mosquées, des associations étudiantes ou des centres communautaires. Les mosquées ont longtemps constitué le lieu privilégié de diffusion de l'idéologie radicale mais, une fois endoctriné, un radical «cesse de fréquenter la mosquée, le niveau d'extrémiste qu'il a atteint surpassant celui du lieu du culte». Aussi ceux qui préparent des attentats craignent que leurs intentions soient divulguées quand ils fréquentent leur mosquée, explique-t-on.

Le processus de radicalisation - de «djihadisation» - peut ne prendre que quelques semaines. L'entraînement des moudjahidine, ou combattants, «recrutés en Occident se réalise de moins en moins à l'étranger, mais certaines recrues vont tout de même dans les zones de conflit, Pakistan, Afghanistan et Irak, où elles sont initiées au maniement d'armes et à la préparation d'explosifs».

Avec la collaboration de William Leclerc