Un détaillant de Laval affirme avoir perdu plus de 500 000$ en deux ans et demi.

Le propriétaire d'un supermarché Provigo affirme que Loblaw et sa filiale Provigo Distribution lui ont caché qu'un réseau de truands le volait. Il soutient qu'il a payé 513 000$ à Loblaw, en deux ans et demi, pour des marchandises qu'il n'a jamais reçues.

Robert Denis, qui exploite un marché Provigo à Laval, boulevard de la Concorde Ouest, a déposé une poursuite à la Cour supérieure où il réclame cette somme, ainsi que le remboursement de tous les frais que cette perte a engendrés.

La poursuite cite des documents judiciaires. Certains d'entre eux laissent entendre que d'autres commerçants ont pu eux aussi être victimes d'un réseau de voleurs opérant dans des entrepôts de Provigo à Boucherville et à Québec.

Alimentation R. Denis, à Laval (ARD), a conclu une entente d'affiliation avec Provigo il y a presque 25 ans. Le supermarché est obligé de s'approvisionner auprès de Provigo. M. Denis a constaté en 2007 qu'il subissait une baisse significative et inexpliquée de ses profits.

Il a fait part de son questionnement à un dirigeant de Provigo. Celui-ci lui a dit que la baisse pouvait seulement s'expliquer par du vol de marchandises à l'épicerie même. M. Denis a embauché une firme de sécurité et fait installer des caméras. Aucun vol significatif n'a été détecté.

En revanche, la gérante du rayon des viandes a constaté que le supermarché avait été facturé par Provigo pour des lots de viande non reçus. En poussant les vérifications, M. Denis a acquis la conviction que le problème des vols provenait d'un entrepôt de distribution de Provigo.

Dans sa poursuite, M. Denis affirme qu'il a fourni les preuves nécessaires à Provigo. Il a suggéré à ses dirigeants de mener une enquête conjointe. Mais «les représentants de Provigo ont nié que Provigo ou ARD aient fait l'objet de vols, ont nié que Provigo puisse devoir quelques sommes que ce soit à ARD pour des pertes encourues relativement à de la marchandise facturée, mais non livrée, et ont formellement nié tout vol à l'intérieur de leur réseau», soutient la poursuite.

Réseau de voleurs

Pourtant, ajoute M. Denis, Provigo avait déjà congédié des employés dans des entrepôts, porté plainte à la police, et affirmé avoir déjà pu «mettre au jour un réseau (de voleurs)». Un arbitre du travail avait déjà cité des témoignages portant sur le centre de distribution de Boucherville. «Selon (un) témoignage, le directeur des inventaires a fait part aux membres du comité de gestion du centre (de distribution) d'un déficit d'inventaire non expliqué de 700 000$ en novembre 2004, a écrit l'arbitre (...). L'employeur a commencé à soupçonner que les pertes d'inventaire pourraient être attribuables au vol.»

À la fin de 2005, Provigo Distribution a poursuivi deux employés soupçonnés de vol. Les réseaux de vol ont quand même continué leurs activités, ajoute la poursuite. Une autre décision rendue par un arbitre du travail en 2008 fait état d'une situation semblable à Québec. Un directeur de Provigo qui a témoigné devant l'arbitre a décrit le centre de distribution de Québec «comme un garde-manger à ciel ouvert contenant un stock d'une valeur de 30 millions de dollars, d'où la nécessité de l'application d'une réglementation très stricte prohibant le vol et la consommation de denrées».

Une firme de consultants embauchée par Robert Denis a comparé les récépissés de livraison de marchandises et les factures de son supermarché de Laval. «Entre le 1er octobre 2007 et le 15 mai 2010, nous estimons que Provigo pourrait avoir facturé ARD pour 513 847$ au titre de marchandises non reçues», a conclu la firme.

Provigo ne pouvait pas prétendre, de bonne foi, que les vols étaient commis à son épicerie et nier l'existence de réseaux de voleurs dans ses propres entrepôts, ajoute M. Denis dans la poursuite. «Comme le dossier est devant la justice, nous ne ferons pas de commentaires, a écrit Josée Bédard, directrice principale, Affaires corporatives de Provigo, dans un courriel envoyé à La Presse. Toute situation comporte au moins deux versions; celle de notre entreprise apparaîtra dans la défense qui sera soumise en temps opportun et selon les règles de procédures.»