La tête dirigeante de la «compagnie» des Hells Angels chargée du contrôle du trafic de drogue au centre-ville de Montréal, Daniel Leclerc, a discrètement plaidé coupable récemment, au palais de justice de Montréal, à des accusations de gangstérisme, de trafic de drogue, de complot et de recel d'argent.

Le Hells Angels du chapitre Nomad de l'Ontario est le premier des hauts dirigeants arrêtés dans le cadre de l'opération Machine à plaider coupable. Ce coup de filet mené en juin 2009 avait permis d'arrêter près d'une cinquantaine de personnes, dont l'ancien chef des Rock Machine, Salvatore Cazzetta. Leclerc et Cazzetta sont passés dans le camp des Hells au cours des dernières années.

 

Cette enquête, entreprise en 2007, a mis à contribution près de 600 policiers du Service de police de la Ville de Montréal, de la Sûreté du Québec, de la Gendarmerie royale du Canada et des peacekeepers de Kahnawake.

Les Hells chargés d'approvisionner en stupéfiants les trafiquants du secteur du boulevard Saint-Laurent écoulaient chaque semaine 1200 roches de crack. Le réseau empochait plus de 2 millions de dollars par année. «C'est une organisation assez structurée qui trafiquait du crack au centre-ville. Pendant l'enquête, on a dénombré le trafic de 79 000 roches de crack. Il y avait plusieurs échelons dans cette organisation. M. Leclerc en a été le chef de mars 2009 à son arrestation, quatre mois plus tard», a indiqué la procureure de la Couronne, Me Sandra Blanchard, lorsque le Hells a reconnu sa culpabilité, le 14 mai dernier.

Le juge Jean-Pierre Bonin, qui a succombé à une crise cardiaque la semaine dernière, avait condamné le motard de 41 ans à une peine de 8 ans et 4 mois de prison, moins l'équivalent de 2 ans de détention préventive. Leclerc sera donc admissible à une libération conditionnelle dans trois ans. L'un de ses soldats, Jean-Marie Fontaine, a également plaidé coupable et reçu une peine similaire.

Dans son rôle de patron, Daniel Leclerc donnait des ordres aux superviseurs des «boss de rue». Son acolyte Fontaine lui envoyait régulièrement sur son téléavertisseur des rapports sur le nombre de roches de crack vendues. Si Fontaine manquait de roches, il envoyait le code «000» à son patron.

Les enquêteurs du projet Machine ont écouté plus de 1200 conversations téléphoniques de Leclerc. Lorsque, en juin 2009, les policiers l'ont arrêté, ils ont trouvé chez lui une quantité d'objets aux couleurs des Hells: des vêtements, des badges, des bijoux et même deux bouteilles de vin «cuvée Hells Angels».

Leclerc conteste devant le tribunal la confiscation de ces biens. «Ça coûte quand même cher, toutes ces choses-là», a plaidé son avocat, Me Marion Burelle, en mai dernier. Le juge Bonin s'est empressé de répondre: «Je ne pense pas que ce soit une question d'argent, mais une question de principe. Il faut savoir si c'est illégal de les posséder.» Le magistrat a reporté le débat au mois de juillet. Un autre juge devra poursuivre le travail amorcé par le juge Bonin.

Après les opérations AXE et SharQc, l'opération Machine a porté un dur coup au crime organisé. En plus du trafic de drogue au centre-ville, elle visait la contrebande de tabac. La police soupçonne Salvatore Cazzetta - aussi arrêté dans l'opération SharQc - de diriger un réseau de contrebande grâce à des relations dans la réserve de Kahnawake, dont l'homme d'affaires Peter Rice. Ces derniers ont plaidé non coupable et leur enquête préliminaire se tiendra en novembre prochain.