Pour retrouver son train de vie et maintenir ses quatre enfants dans un collège privé, Serge Ollu a vendu des maisons qui ne lui appartenaient pas, dont celle d'un journaliste de La Presse. En attente de deux procès pour fraude, il s'est mis au «redressement» de titres boursiers avec un associé, Andrea Cortellazzi, qui purgeait lui-même une peine avec sursis pour fraude.

C'est ce que la juge Suzanne Coupal a appris lors des plaidoiries sur la peine à infliger à Ollu, qui ont lieu récemment au palais de justice de Montréal. L'homme de 64 ans a plaidé coupable à des accusations de fraude, pour des gestes commis en 2002 et 2003.

En mars 2003, à son retour de vacances, François Trépanier, journaliste retraité de La Presse, a appris avec consternation que la maison d'Outremont qu'il habitait depuis 30 ans et qui était libre d'hypothèque avait été vendue en son absence. Cette supercherie de haut vol impliquait l'usurpation de l'identité d'un vendeur et d'un acheteur, avec faux papiers parfaitement imités, pour tromper le notaire et la banque. Le but était d'obtenir une hypothèque et d'empocher le magot. L'ex-journaliste a pu retrouver ses titres de propriété, mais après bien des tracas et des aléas.

Ollu a été arrêté la même année, alors qu'il s'apprêtait à recommencer son manège. Il n'a pas agi seul dans cette histoire, mais il est le seul à avoir été accusé. Son principal complice est apparemment mort avant que la Couronne ait pu porter des accusations.

Le dossier judiciaire d'Ollu a cheminé à pas de tortue. Le suicide de l'enquêteur affecté au dossier n'a pas aidé. En 2008, de nouvelles accusations ont été portées contre Ollu. On lui reprochait l'obtention de deux hypothèques gonflées (flips immobiliers), et d'avoir contracté une marge de crédit de 75 000$ au nom et à l'insu de sa propriétaire, somme qu'il a dépensée au complet. Pour l'ensemble des dossiers, les fraudes totalisaient 558 000$. Selon le procureur de la Couronne, Me Pierre Lévesque, la perte réelle pour les banques est de 134 000$. Aujourd'hui, Ollu se dit prêt à rembourser.

Désespéré

Deux des enfants d'Ollu, qui sont venus témoigner en sa faveur, on fait valoir qu'il s'agissait d'erreurs de parcours d'un homme désespéré et généreux, qui a agi non pas pour son propre profit, mais pour le bien-être de sa famille. Selon leur récit, leur père a connu une descente aux enfers à partir de 1995, car ses affaires (on ignore lesquelles) allaient mal. La famille, habituellement aisée, a dû se résigner à emménager au sous-sol d'un triplex. «On ne mangeait pas à notre faim», a dit le cadet des enfants, âgé de 22 ans, qui étudie en droit. Malgré la disette, les quatre enfants Ollu ont fait leurs études au collège Stanislas.

En 2005, un homme a «tendu la main» à Ollu. Il s'agit d'Andrea Cortellazzi, qui travaillait dans le domaine des titres boursiers.

«Il a donné une chance à mon père», a raconté Marie-Christine Ollu, 27 ans, consultante en marketing. Elle travaille avec son père dans le redressement de sociétés. Son père aurait appris les rudiments du métier avec Cortellazzi, selon ses explications.

«Mon père commençait à apprendre. Il (Cortellazzi) le laissait apprendre, il voulait tester son honnêteté. Il voulait arriver à quelque chose de concret et de vrai dans le respect des lois», a dit la jeune femme avec emphase devant la juge Coupal, qui semblait plutôt perplexe. Quoi qu'il en soit, selon les enfants, leur père a abandonné Cortellazzi quand celui-ci a coulé, en 2008 ou 2009.

Marie-Christine Ollu a fait des mystères au sujet du travail actuel de son père parce qu'elle est tenue au secret, a-t-elle fait valoir. Il aide à redresser des sociétés en difficulté. Souvent, ce sont des problèmes de gestion ou de financement. Mais les nommer est «illégal», a-t-elle ajouté. Elle a cependant consenti à indiquer que le grand projet qui leur tenait à coeur était celui de M45 Mining Resources. Cette société minière américaine, dont le siège social est situé au 1212, Redpath Crescent, à Montréal, a été «complètement redressée et nettoyée», insiste-t-elle.

Enfin, Ollu se targuait de n'avoir fraudé que des institutions, et non des individus. Cette image ne correspond pas à la réalité. D'ailleurs, Ollu a tendance à se proclamer plus vertueux qu'il ne l'est, selon un rapport établi à son sujet. «Robin des bois n'est pas dans cette salle», a lancé le procureur de la Couronne, Pierre Lévesque. Ce dernier demande une peine de prison d'environ deux ans. Il n'écarte pas le sursis s'il y a un remboursement complet. Me Éliane Hogue, en défense, suggère un sursis de neuf mois.

La suite du processus a été remise à l'automne, pour laisser le temps à Ollu de rembourser.

P À lire dans La Presse Affaires, le dossier de Francis Vailles sur une arnaque boursière.