Même si les trois arbitres n'ont pas encore rendu leur décision, on avait l'impression, jeudi matin, que Guy Lafleur était en bonne position pour marquer un but en Cour d'appel du Québec.

Le célèbre numéro 10 n'était pas présent à cette audience, qui visait à faire casser la déclaration de culpabilité rendue contre lui l'année dernière pour une affaire de témoignages contradictoires. Mais les avocats qui le représentaient, Giuseppe Battista et Louis Belleau, ont déployé tous leurs arguments pour convaincre les juges que leur collègue de la Cour du Québec avait commis une erreur en déclarant Lafleur coupable.Le 19 septembre 2007, témoignant au procès de son fils, Mark, Guy Lafleur avait soutenu que ce dernier avait respecté son couvre-feu lorsqu'il était à la maison durant ses permissions de fin de semaine de la ressource l'Exode. Lafleur avait cependant passé sous silence le fait que Mark avait passé deux nuits à l'hôtel avec sa copine. Il l'avait admis un mois plus tard, alors que la Couronne avait les factures d'hôtel en main. Cela lui avait valu d'être accusé, puis reconnu coupable d'avoir rendu des témoignages contradictoires.

Jeudi matin, les juges François Doyon, François Pelletier et Marie-France Bich sont peu intervenus lors des plaidoiries des avocats de Lafleur. «Ce n'est pas parce qu'il n'a pas dit quelque chose à un moment qu'il y a une contradiction», a fait valoir Me Battista. «Une fausseté n'est pas nécessairement un mensonge», a renchéri Me Belleau. Les avocats ont fait ressortir qu'il fallait analyser le «contexte» et les paroles prononcées par Lafleur. Selon eux, jamais Lafleur n'a eu l'intention de tromper la Cour. Même si Mark allait coucher à l'hôtel, son père croyait de bonne foi qu'il respectait son couvre-feu puisqu'il rentrait à l'hôtel à l'heure imposée.

Me Belleau a fait ressortir deux définitions du mot couvre-feu: l'obligation de rentrer chez soi ou l'interdiction d'être dehors.

«Il y a un flou incroyable dans les modalités du couvre-feu», a ajouté l'avocat.

«Il se crée une ambiguïté, car il y a deux paramètres dans le concept du couvre-feu», a résumé le juge Doyon.

«L'accusé s'est cramponné à l'heure», a répondu Me Belleau.

Pas d'ambiguïté

Les juges se sont montrés plus critiques face aux arguments du procureur de la Couronne Michel Pennou.

Ce dernier soutient que le juge Claude Parent n'a pas commis d'erreur. Il a insinué que ses adversaires avaient choisi les extraits qui appuyaient leur théorie. Lui-même s'est affairé à mettre en relief les extraits laissés de côté. Le procureur considère que le témoignage de Lafleur est très clair et démontre qu'il savait que son fils Mark devait coucher chez lui. «Il l'a toujours vu et il était toujours là», a résumé Me Pennou.

Il a repris les échanges que Lafleur a eus avec la Couronne à l'époque.

«Vous étiez toujours là lorsqu'il (Mark) rentrait?

- Oui.

- Vous l'avez toujours vu quand il rentrait?

- Oui, mon épouse était là.»

Plus tard, sachant que la Couronne avait les factures d'hôtel, Lafleur avait dit: «Je n'ai rien à cacher là-dessus parce que vous le savez, maintenant.»

«L'ambiguïté évoquée n'existe pas», a lancé Me Pennou.

Les avocats des deux parties ont aussi débattu brièvement du fait que la Couronne avait procédé à la mise en accusation de Guy Lafleur par mandat d'arrêt visé. Les juges ont mis l'affaire en délibéré et rendront leur décision plus tard.

Rappelons que Lafleur a été déclaré coupable au terme de son procès en mai 2009. Un mois plus tard, il été condamné à une peine d'un an avec sursis ainsi qu'à une amende de 100$ assortie de l'obligation de faire un don de 10 000$ à un centre de lutte contre la toxicomanie.