Des gangs de rue y ayant établi un véritable «régime de terreur» qui a culminé en fin de semaine avec une fusillade, un bar de Rivière-des-Prairies, le D Lounge, a été fermé d'urgence hier soir pour raisons de sécurité.

Les responsables du bar, eux, se disent d'abord victimes d'une «problématique de secteur», dans ce quartier chaud où sévissent les Bloods. «Parce que les policiers ne peuvent pas faire leur job, je suis en train de perdre la mienne», a déclaré à La Presse la gérante du bar, Maria-Lena Macri.

 

Pour la troisième fois en cinq ans, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, le D Lounge a été le théâtre d'une fusillade. Les policiers ont retrouvé trois armes de poing derrière l'établissement et ont arrêté deux membres du gang des Rouges. Hier, la Régie des alcools, des courses et des jeux a décidé de recourir à une mesure exceptionnelle, qu'elle utilise moins d'une fois par année, pour demander la fermeture immédiate du bar de la rue André-Ampère. Le président du tribunal, Michel Gougeon, a mis en délibéré la demande de la Régie. Dans sa décision rendue en milieu de soirée, il a tranché que l'établissement allait être fermé pour une durée indéterminée en attendant que la cause soit entendue sur le fond.

L'établissement, a expliqué l'avocate Édith Asselin devant la Régie, est dangereux pour la santé et la sécurité du public. «Il y a absolument absence de contrôle de l'établissement et absence de collaboration, a-t-elle dit. Et la dangerosité a augmenté de jour en jour.»

La policière Nila Patel, qui compte onze ans d'expérience dont neuf comme patrouilleuse dans les rues de Montréal-Nord, est venue expliquer pourquoi elle considère que le D Lounge est littéralement sous la coupe des gangs de rue. «Je connais ce monde-là, j'étais souvent appelée en renfort dans ce quartier chaud, a-t-elle déclaré. Les armes à feu, le peu de collaboration du titulaire ou des employés, l'omniprésence des gangs de rue et la présence minoritaire de bons clients, tout ça m'amène à conclure que c'est un endroit où il y a de la terreur.»

Négligence constante

Le D Lounge a été ouvert dans un secteur résidentiel en apparence très calme, dans un petit centre commercial. Les gangsters y côtoient des résidants sans histoire qui promènent leur chien, a expliqué la policière. Ces bons clients seraient réticents à signaler les crimes dont ils sont témoins par peur des représailles. «Ces coups de feu auraient pu toucher une victime innocente. Or, le bar a continué à montrer de la négligence, il n'y avait pas de système de caméras en place et le bar est resté ouvert comme si de rien n'était après les événements», a ajouté Mme Patel. Les policiers ont également souligné le peu de collaboration de la gérante de l'établissement et des employés, qui ne leur ont donné que peu d'indices sur les suspects.

En janvier 2009, un employé a été frappé avec une chaise de métal; en juin suivant, au moins deux membres de gang se sont battus; en août, plusieurs gangsters connus se sont rassemblés au bar; des policiers y ont été bousculés lors d'une bagarre en mars 2010. «Si j'étais cliente, je n'y retournerais pas, j'aurais peur pour ma vie», conclut l'agente Patel.

L'avocate du D Lounge, Emmanuelle Villeneuve, lui a alors demandé si la fermeture du bar réglerait le problème de gangs de rue dans Rivière-des-Prairies. La policière a refusé de répondre.

L'avocate a également soutenu que les coups de feu de la fin de semaine dernière constituaient «un événement isolé et malheureux». «Il n'y a pas eu d'autres événements. Pour l'instant, c'est calme, il y a une surveillance policière.»